De son enfance people à Fluxus et à ses Furniture Sculptures, John Armleder se raconte dans un livre d’entretiens.
On ne dira jamais combien la parole des artistes est précieuse. Grâce à Françoise Jaunin, c’est la voix du Suisse John Armleder, miraculé après une opération au cerveau, qu’on entend dans un entretien fleuve à dévorer comme un roman.
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Car l’histoire de cet artiste phare, né en 1948, connu pour ses performances post-Fluxus, son rôle dans le mouvement néo-géo et ses sculptures d’ameublement commence comme dans un conte de fées, dans un palace genevois tenu par son père, le Richemond. “Nous vivions modestement sauf que nous étions dans un cadre très luxueux”, tempère immédiatement John Armleder, qui à l’époque s’habillait “à l’Armée du salut” et n’avait pas encore adopté ses costumes impeccables et son incomparable tresse poivre et sel.
Naissance d’Ecart
“C’est après coup que l’on comprend qu’on a côtoyé Charlie Chaplin, Marlene Dietrich, Michael Jackson ou Warhol”, raconte l’artiste, qui fréquenta assidument la star du pop, à l’hôtel ou à la Factory. De son enfance, et de ses déménagements réguliers d’une chambre à l’autre au gré des réservations des clients, John Armelder a gardé un goût pour l’élégance et le nomadisme, lui qui n’a toujours pas d’atelier et reçoit dans un salon de thé genevois, quand il n’est pas dans sa Villa Magica (ex-propriété d’un célèbre magicien) ou dans les musées du monde entier.
Au sortir de l’adolescence, des années marquées par sept mois d’emprisonnement après avoir refusé de faire son service militaire, c’est encore dans les caves du Richemond qu’il organise avec le groupe Ecart, fondé en 1969, ses premiers events.
Ecart, “trace” à l’envers, c’est au départ une bande d’amis, pas tous artistes, qui font trois heures d’aviron par jour, découvrent fascinés l’esprit Fluxus, les partitions de John Cage et de George Maciunas et pratiquent le happening silencieux, l’empoignade foutraque ou l’auto-entartage.
Pudding culturel
Après la mise en orbite du satellite Fluxus en Europe, Armleder entame en 1979 sa série des Furniture Sculptures, où les toiles, géométriques, minimalistes ou irisées font tapisserie et les sculptures se changent en ready-made, si bien que l’on ne sait plus bien qui fait œuvre et qui fait ornement.
Depuis, ce grand érudit n’aura eu de cesse de faire dialoguer toutes les strates du grand pudding culturel qu’il appelle aussi supermarché : “J’aime faire mes courses à travers la production de l’art du XXe siècle. Même si j’en connais assez bien le catalogue, j’aime le consulter.”
John Armleder – Du minimalisme à la saturation (Les Bibliothèque des arts), 172 pages, 19 €
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