A la galerie Thomas Bernard, à Paris, le jeune artiste Jean-Alain Corre expose son intrigant foutoir, duquel émergent des lignes bien plus claires et précises qu’il n’y paraît.
Il y en a cinq en tout : des matelas bleu SNCF, légèrement maculés ou customisés, remisés dans un coin de la pièce ou suspendus au bout d’un bras articulé qui les fait s’avancer drôlement dans l’espace d’exposition. Si bien qu’on ne sait pas trop comment qualifier ces encombrants dont Jean-Alain Corre a garni le tout nouvel espace de la galerie Cortex Athletico, qui endosse désormais le nom de son fondateur : Thomas Bernard. Entre le paravent, le pare-choc (pour celui qui vient épouser l’angle du mur) et le rebut, ces matelas érigés en sculptures molles racontent pourtant bien des choses sur l’univers calfeutré de ce jeune artiste qui, en 2014, participe à l’exposition des artistes sélectionnés par castillo/corrales au Prix de la Fondation d’Entreprise Ricard.
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Avec cette impression, au premier abord, d’un monde cadenassé ou matelassé, vaguement assoupi sur lui-même et comme en sommeil donc. Mais les matelas sont à la verticale et l’on circule ragaillardi dans cet entrepôt feutré, à l’affût de tel ou tel détail qui accroche l’œil : un ticket de métro posé sur une main en papier mâché, une ligne tremblée ou “sprayée”, des hiéroglyphes contemporains vaguement familiers mais que l’on peine à décoder.
Logique sécessionniste
Revient alors en mémoire la visite, il y a quelques années, en compagnie d’un spécialiste des machines célibataires de Raymond Roussel, François Piron, dans l’atelier lyonnais de Jean-Alain Corre, situé à proximité de l’Ecole des beaux-arts, d’où l’artiste est sorti diplômé en 2009. Au milieu des machines et montages inassouvis de ce jeune artiste, au cœur de ce foutoir où l’art et la vie se confondaient, tout semblait faire signe sans que jamais n’émerge tout à fait un sens de lecture.
Il n’y a pas de panneaux de signalisation chez Corre, encore moins de mode d’emploi, où la mécanique à l’œuvre répond à une logique sécessionniste, comme si une fois profilées, les pièces étaient laissées à elles-mêmes. “L’œuvre pour moi est une sorte de jardinage, a raconté l’artiste lors d’un entretien, le monde végétal me semble plus intéressant que le monde animal : il est bien plus plastique quand on commence à prendre conscience de sa manière d’exister.”
Eloge de la paresse
S’il regarde pousser ses œuvres comme des plantes, Jean-Alain Corre procède de même quand il s’agit de les signer ou de les assumer. En créant un personnage, “Johnny”, dont il dit qu’il n’est pas un avatar mais plutôt “une greffe qui pousserait sur le travail” lui permettant d’introduire la question de l’affect, Jean-Alain Corre reste bien planqué derrière son œuvre et ses ramifications qui se seraient comme autoengendrées, parfois à son insu.
D’où un certain éloge de la paresse qui semble affleurer dans son travail, comme dans cette exposition au titre ronfleur, Oozzz…da zzzz…Hom i n g. Soit la petite musique d’un art faussement indolent qui coïncide ici, à travers ces cinq matelas redressés, avec une forme de reprise en main.
Oozzz.. da zzzz… Hom i n g jusqu’au 17 octobre à la galerie Thomas Bernard, Paris IIIe, galeriethomasbernard.com
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