Prenant un film de Rainer Werner Fassbinder comme modèle, l’auteur allemand Falk Richter s’associe au comédien Stanislas Nordey pour mettre en scène à deux un “un collage d’émotions contradictoires”.
Qu’il s’agisse des attentats terroristes qui ont endeuillé Paris ou des agressions sexuelles commises le soir du 1er janvier à Cologne, en Allemagne, l’auteur et metteur en scène allemand Falk Richter prend sa plume pour réagir sur scène aux événements dramatiques qui se sont déroulés ces six derniers mois.
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Avec Je suis Fassbinder, cette prise de position à chaud est devenue une pièce de théâtre.
“Elargir le champ des compétences qu’on accorde en général à un auteur de théâtre a été mon cheval de bataille depuis que j’ai décidé d’écrire, précise-t-il. Comme je suis aussi metteur en scène, j’ai toujours étendu les limites de ma chambre d’écriture à l’espace du plateau. Travailler à la mise en bouche de mes textes me permet de tester leur contenu avant de les finaliser.”
Décrypter sous l’angle de l’intime les mécanismes du capitalisme
Né en 1969, Falk Richter est ce qu’on appelle un auteur engagé, mais c’est en se réclamant de l’autofiction mêlée de politique qu’il a construit la réputation de ses dramaturgies. Il se fait connaître en Allemagne avec Das System (Le Système) où il réunit dans un cycle plusieurs pièces (dont les plus connues sont Electronic City, Sous la glace et Trust) pour décrypter sous l’angle de l’intime les mécanismes du capitalisme financier mondialisé.
C’est à l’occasion de la mise en scène d’un montage de plusieurs de ses textes puisés dans Das System que débute la collaboration entre l’auteur allemand et Stanislas Nordey au Festival d’Avignon en 2008. Suivra My Secret Garden, un spectacle où, pour la première fois, ils mettent en scène à deux une pièce dont le texte est composé d’extraits du journal intime de Falk Richter.
“Fassbinder réagit en artiste aux événements qui secouent l’Allemagne en 1977”
Avec Je suis Fassbinder, Richter et Nordey renouent avec le désir de monter un spectacle à quatre mains. “Nous avons décidé de prendre pour point de départ la participation de Rainer Werner Fassbinder à un film collectif, L’Allemagne en automne, dont il a réalisé les trente premières minutes. Toutes affaires cessantes, Fassbinder réagit en artiste aux événements qui secouent l’Allemagne en 1977. En s’emparant de sa caméra, il a la volonté de prendre position face à l’état d’urgence décrété suite aux actes terroristes perpétrés par la Fraction armée rouge composée des membres du groupe réuni autour d’Andreas Baader et Ulrike Meinhof.”
“Ce film est d’abord un portrait intime. On le voit dans son appartement avec son amant, téléphonant à Ingrid Caven ou débattant de la situation dans sa cuisine avec sa mère. Fassbinder expose sans pudeur l’ampleur de son désarroi, c’est ce qui nous touche.”
Réagir par le théâtre à ce qui se passe aujourd’hui
Prenant modèle sur le film, Falk Richter réveille le cercle des intimes de Fassbinder comme autant de spectres amis pour les faire s’incarner dans le corps des acteurs. “Les époques sont très différentes. Il n’est pas question de calquer mes propos sur ceux du film, pas plus que je ne fais de la pièce un hommage au cinéaste. Ce qui m’intéresse, c’est de me mettre dans la situation de réagir par le théâtre à ce qui se passe aujourd’hui et le faire dans les mêmes conditions d’urgence que celles choisies par Fassbinder.”
Ainsi, le débat portera sur le fait d’“être Charlie” ou pas, sur le “Je suis en terrasse” post-attentats de novembre à Paris et le massacre du Bataclan tout autant que sur la crise des migrants et la montée des mouvements populistes et d’extrême droite en France et en Allemagne.
“Ce qui me rapproche de Fassbinder dans cette démarche, c’est d’assumer le contraste qui existe entre l’épidermique de ma réponse et le fait qu’il s’agisse d’une situation politique qui vise à déstabiliser et terroriser nos nations. Comme lui, je me suis interdit de proposer une analyse, j’essaie d’abord de dire ce que j’éprouve. Je ne prétends pas avoir de recul… Pour Stanislas Nordey et pour moi, il était important de témoigner de ce moment où l’on assume être sous le choc quitte à construire notre spectacle comme un collage d’émotions contradictoires.”
Je suis Fassbinder de Falk Richter, mise en scène Falk Richter et Stanislas Nordey, avec Thomas Gonzalez, Judith Henry, Eloise Mignon, Stanislas Nordey et Laurent Sauvage, jusqu’au 19 mars au Théâtre national de Strasbourg, tél. 03 88 24 88 00, tns.fr
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