Chris Esquerre nous a donné rendez-vous place de la Bastille. C’est Noël et c’est la fête foraine avec ses churros et ses attractions. Devant le manège censé “offrir les sensations éprouvées par un pilote de chasse”, on commence à trouver le temps long, on s’inquiète un poil. Alors que monte le stress, un homme au […]
Chris Esquerre nous a donné rendez-vous place de la Bastille. C’est Noël et c’est la fête foraine avec ses churros et ses attractions. Devant le manège censé “offrir les sensations éprouvées par un pilote de chasse”, on commence à trouver le temps long, on s’inquiète un poil. Alors que monte le stress, un homme au visage caché par la capuche ourlée de fourrure de sa parka s’avance vers nous : “C’est vous que j’attends, non ?” On reconnaît la frange et la barbe de trois jours de l’humoriste qui a boosté Le Grand Journal de Canal+ avec ses interventions bilan du vendredi. Très vite, on est rassuré : il ne souhaite pas monter dans le manège. “Ça me donne mal au coeur”, concède-t-il. L’information est un combat, certes, mais on n’est pas malheureux d’échapper à cette attraction – décrite comme “la plus haute d’Europe”.
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D’un geste du bras, Chris Esquerre nous oriente plutôt vers le manoir fantôme, en humant l’air de la place à pleins poumons. “J’aime l’odeur des fêtes foraines”, dit-il avec un sourire diabolique. Après avoir acheté deux places, on monte dans un wagonnet. “Quand j’étais petit, je me blottissais à l’endroit réservé aux pieds, ça me terrifiait”, lâche-t-il avec l’assurance d’un homme devenu adulte. Cette apparente sérénité ne dure pas. Quelques secondes plus tard, Chris sursaute et pousse un cri d’effroi. L’homme qui gère le manège a cru bon de lui agripper le dos avant que le train ne commence à partir. Plongés dans l’obscurité, notre parcours est rythmé par des effets lumineux et des monstres dignes d’un film d’épouvante avec Bela Lugosi. ”Ce qui me surprend, c’est notre représentation de la peur. On ne choisit pas un virus ou une bombe mais des monstres de série Z”, sourit Chris.
Une fois sortis du train, on prend la direction des autotamponneuses. Alors qu’une jeune fille de 13 ans prend un plaisir sadique à nous emboutir façon Boulevard de la mort, Chris Esquerre consacre tous ses efforts à l’éviter. Difficile de mieux résumer son humour subversif qu’en le voyant s’appliquer à esquiver toute collision. Alors que la plupart des humoristes français misent sur la vie quotidienne – propice à l’identification –, Chris Esquerre a fait le choix de surprendre et de malmener son public : “J’aime rompre avec les codes. Faire de longs silences, ne jamais sourire, dire qu’on s’ennuie ou qu’on doit se dépêcher de terminer sa chronique parce qu’on part en week-end, ce sont des choses qui ne se font habituellement pas en télé.”
Devant un stand où des enfants placés dans des bulles marchent sur l’eau, Chris joue les philosophes avec des trémolos dans la voix : “Cette surenchère dans le sensationnalisme forain est à l’image de notre société.” Une mère qui accompagne sa fille prend la réplique au premier degré et opine du chef. Au passage, elle lui demande s’il a 14 ans. Surpris, Chris baisse à nouveau sa capuche et répond qu’il en a 37. “J’ai l’impression d’être né retraité et de faire le chemin à rebours. Je me sentais vieux quand j’étais petit et je me sens jeune aujourd’hui”, explique-t-il quelques minutes plus tard devant un stand de croustillons qui sert du vin chaud. Bon prince, il paie sa tournée de barbes à papa. Avant qu’il ne l’engloutisse, on évoque son avenir et sa capacité à se renouveler. Pour y répondre, cet ultraperfectionniste choisit une de ces métaphores dont il a le secret : “L’humour, c’est un peu comme une centrale nucléaire : quand tout est en route, c’est difficile de l’arrêter.”
Chris Esquerre au Grand Point Virgule, tous les dimanches à 18 h, jusqu’en mars 2013
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