Lassés de n’être pas entendus au sein de la compagnie Troubleyn du chorégraphe belge Jan Fabre, plusieurs de ses danseurs en appellent au ministère de la culture flamande afin de faire « cesser la loi du silence ».
Dur dur d’être un « guerrier de la beauté », ainsi que Jan Fabre qualifie ses interprètes, à la lecture de la lettre ouverte signée par plusieurs d’entre eux, nommément ou anonymement, parue sur le site Rekto :Verso début septembre, sous le titre : #metoo and Troubleyn/Jan Fabre.
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Ils déclarent le faire dans l’intérêt du public et des générations futures de performeurs et d’artistes et ont décidé de faire entendre leurs voix et leurs expériences dans le contexte de #metoo, véritable lame de fond engagée depuis un an, après le scandale Weinstein. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est d’abord une interview donnée par Jan Fabre en juin dernier. Interrogé sur les résultats d’une commission chargée d’évaluer le harcèlement sexuel par le ministre de la culture flamande, Sven Gatz, il se dit surpris du nombre de personnes se disant victimes de harcèlement (1 sur 4) et ajoute que les mesures prises pour les protéger peuvent « être dangereuses, et que la relation, le lien secret entre réalisateur/chorégraphe et acteur/danseur sera aussi incroyablement blessé et détruit « . Il enchaîne en donnant pour exemple les répétitions de sa création, que l’on verra bientôt en France dans plusieurs festivals, Belgium Rules, lors desquelles il a dû expliquer à de jeunes actrices et danseuses que les peintres évoqués, de Rubens à Magritte ou Félicien Rops, n’étaient pas sexistes.
Humiliations sexuelles
La lettre ouverte est longue, abonde d’exemples d’humiliations sexuelles et fait état de la démission de six interprètes ces deux dernières années pour harcèlement sexuel. Surtout, elle interroge : « Que signifie une expérience #metoo dans le contexte de Troubleyn ? Le harcèlement, le sexisme et la misogynie signifient exactement ce qu’ils ont toujours voulu dire. En partageant et en réfléchissant à nos expériences et témoignages collectés, dont l’un remonte à 20 ans, nous avons compris que les membres de la société Troubleyn naviguaient depuis des décennies dans des pratiques relationnelles non professionnelles et inappropriées ».
En somme, cette lettre ouverte entend mettre fin à des pratiques finalement considérées comme normales, « faisant partie du métier » et, n’ayant pu se faire entendre au sein de Troubleyn, les signataires en appellent au ministre de la culture. Si beaucoup d’entre eux ont préféré rester anonymes, certains n’ont pas hésité à signer de leur nom. Y retrouver Erna Omarsdottir, danseuse dans la compagnie Troubleyn de 1998 à 2003 fait l’effet d’une douche froide.
En réponse à la lettre ouverte, Sven Gatz a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la compagnie de Jan Fabre par le ministère de la culture flamande. A la veille d’une longue tournée de Troubleyn avec sa création mais aussi plusieurs solos, on s’interroge sur les conditions dans lesquelles celle-ci va pouvoir s’effectuer.
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