Avec Hélène Alexandridis et Stanislas Nordey, cette réécriture bouleversante des Liaisons dangereuses est une joute oratoire où tous les coups sont permis
Pour celles et ceux qui seraient en quête de repères historiques sur sa pièce Quartett, Heiner Müller se contente de nous projeter dans un continuum temporel en précisant que l’action se déroule… dans un salon d’avant la Révolution française, un bunker d’après la Troisième Guerre mondiale.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
S’inspirant des Liaisons dangereuses, le roman épistolaire écrit par Choderlos de Laclos en 1782, le dramaturge est-allemand s’amuse en 1980 à réactiver la guerre entre les sexes dans un texte à la poésie sulfureuse. Manière de mettre un point final à celle qui oppose les amants libertins que sont le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil.
Jeux envoûtants
Un drôle de jeu de rôle où les deux protagonistes ne cessent de changer de personnages pour se mettre en scène dans une partition à quatre voix, qui donne le tournis en offrant la parole aux deux autres héroïnes de l’histoire de Laclos, la jeune Cécile Volanges et la présidente de Tourvel. Manière d’éclaircir le chaos fascinant où nous plonge l’écriture d’Heiner Müller, Jacques Vincey se propose de résumer les méandres de ce parcours aussi pervers que totalement envoûtant : “Merteuil joue Valmont qui joue Tourvel, avant qu’elle ne devienne Volanges qui succombe sous les mains de Valmont. Puis Valmont prononce les dernières paroles de Tourvel empoisonnée par Merteuil jouant Valmont. Mais c’est bien Valmont qui meurt, tandis que Merteuil reste seule.” En guise d’absolution, Merteuil conclue la pièce d’une formule no future sans ambiguïté : “Mort d’une putain. À présent nous sommes seuls cancer mon amour.”
L’exercice de style trouve avec Hélène Alexandridis et Stanislas Nordey deux artistes d’exception pour former le duo d’équilibristes capables de porter aux nues une séance de dévoration mutuelle qui flirte délicieusement avec la pornographie. Dans des costumes grand-siècle, ils ont le visage maquillé de blanc et portent des perruques poudrées pour apparaître tels des spectres. L’annonce d’un point de non retour entre les hommes et les femmes dont Heiner Müller est la plus visionnaire des pythies.
Quartett d’Heiner Müller, mise en scène Jacques Vincey avec Hélène Alexandridis et Stanislas Nordey. Le 12 octobre, Equinoxe Scène nationale de Châteauroux, le 17 octobre Gallia Théâtre à Saintes. Tournée jusqu’au 17 mai 2024.
{"type":"Banniere-Basse"}