Peu fédéré, peu politisé, le monde de l’art et ses nombreux et très divers métiers sont peu protégés face à la crise.
Du jambon, du fromage… et une batte de baseball. En quelques minutes, la phrase essaime sur les réseaux sociaux. Le 6 mai, Emmanuel Macron a promis de s’adresser à un secteur culturel sinistré. Les artistes-auteur·trices l’attendent au tournant. Il faut dire que depuis le début de l’épidémie, ils·elles sont les grand·es oublié·es de la création. Alors, forcément, elle passe mal, la petite phrase du chef de l’Etat incitant la culture à prendre exemple sur Robinson Crusoé et à “aller dans la cale chercher ce qui va lui permettre de survivre” – les victuailles “très concrètes” en question.
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Concrètes, les mesures avancées le sont moins. Une invitation aux artistes à se rendre dans les écoles sous la forme d’un “temps périscolaire”. L’annonce d’un “grand programme de commandes publiques” à destination des “créateurs de moins de 30 ans” – où intervient, fait rare, la mention des “métiers d’art”. En termes de soutien, hormis ces incitations à la production, les artistes-auteur·trices n’auront droit qu’à une exonération de cotisations sociales de quatre mois.
Peu ont vu la couleur du Fonds d’urgence du Centre national des arts plastiques (CNAP) mis en place fin mars
A court terme, l’aide est maigre. A long terme, elle ne fait que resserrer le logiciel néolibéral en pénalisant la mise en commun de la valeur destinée à financer la protection sociale et les services publics, ainsi que s’en indignera sur Facebook La Buse, réseau autonome alertant sur les conditions de travail des travailleur·euses de l’art.
Peu ont vu la couleur du Fonds d’urgence du Centre national des arts plastiques (CNAP), montant forfaitaire plafonné à 2500 euros mis en place fin mars. Et ce sont alors les appels à projets, bricolés à la hâte, qui tiennent lieu de pansements sur la plaie béante, présupposant, pour les concerné·es, un accès pour le moins hypothétique aux moyens de production habituels.
Derrière le terme d’artiste-auteur·trice se cache une myriade de professions et de statuts. Souvent également employé·es à la tâche en tant que micro-entrepreneur·euses, les plasticien·nes, commissaires d’exposition, critiques d’art, graphistes, illustrateur·trices, photographes, écrivain·es indépendant·es n’auront pas droit au chômage – contrairement aux intermittents.
“Si les artistes-auteur·trices pèsent moins, c’est parce que peu de galeries ou d’artistes stars ont de position politique”
Pas assez fédéré·es, pas assez solidaires, pas assez politisé·es ? Pour l’artiste Matthieu Boucherit, “si nous autres artistes-auteur·trices pesons moins, c’est parce que peu de galeries ou d’artistes stars ont de position politique car ils·elles se couperaient de leur économie”.
Auteur de Notre condition – Essai sur le salaire au travail artistique, Aurélien Catin, interviewé par le collectif Documentations.art (sur son blog, le PDF du livre est en téléchargement gratuit), souligne à son tour la dictature du “marché à l’instant T”. Historiquement, explique-t-il, les artistes-auteur·trices ne se sont pas pensé·es en travailleur·euses, et la liberté romantique attachée à l’imaginaire de l’artiste se retourne actuellement contre eux·elles. La solution selon lui ? L’extension du statut de l’intermittence à tous les indépendants de la culture, ainsi que le salaire à vie.
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