Suite à la mise à pied brutale du directeur des Hivernales, Emmanuel Serafini le 6 décembre, on s’interroge toujours sur les raisons de ce limogeage.
Arrivé au milieu de la pile de courrier en début de semaine, le dossier de presse de la 38e édition des Hivernales d’Avignon tombe comme un pavé dans la mare, son directeur, Emmanuel Serafini, ayant appris le 6 décembre sa mise à pied avec effet immédiat, suspension de salaire, interdiction de se rendre dans les locaux et d’entrer en contact avec les salariés de la structure. Le soir même du premier tour des élections régionales. Difficile de n’y voir qu’une coïncidence, sachant qu’Emmanuel Serafini conduisait la liste EE-Les Verts, alliés au Front de Gauche à Avignon.
Certes, Bernard Renoux, président des Hivernales, donne une tout autre raison à ce limogeage qui a suivi de quelques jours le très houleux conseil d’administration du 27 novembre lors duquel il a reproché à Emmanuel Serafini un déficit prévisionnel supérieur à 80 000 euros pour un budget annuel d’un montant de 900 000 euros.
Devoir de réserves
Il est surtout difficile d’obtenir des informations, l’intéressé ayant l’interdiction de parler à la presse et la secrétaire générale des Hivernales, jointe par téléphone, arguant d’un devoir de réserve imposé par les tutelles et l’Etat jusqu’au prochain conseil d’administration, le 29 janvier. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il a fallu supprimer quelques projets de la programmation de cette 38e édition à la demande des tutelles à cause du déficit, sans que son programmateur ait eu voix au chapitre.
Dans Le Dauphiné du 11 décembre, Violeta Assier rapportait la réaction d’un membre des Hivernales, Julia Riecke, présente lors du conseil d’administration du 27 novembre :“Cet abus de pouvoir, ce manque de sincérité, la violence avec laquelle Emmanuel Serafini a été licencié, tout cela me dégoûte. Cette méthode est inadmissible, même s’il pourrait y avoir un déficit cumulé de 100 000 euros sur les exercices 14 et 15. Mais dans ce cas, on pourrait licencier des dizaines de directeurs ! »
On se rappelle surtout que lors de son entrée en fonction en 2009, Emmanuel Serafini découvrait lui aussi un déficit important laissé par la fondatrice des Hivernales, Amélie Grand. Et que cela ne l’a pas empêché de renouveler en profondeur ce festival pour en faire l’un des rendez-vous essentiels de la danse contemporaine, à la fois lieu de découverte et de fidélité à des chorégraphes venus du monde entier.
Un goût amer
On se souvient aussi qu’il fut, naguère, l’administrateur de la compagnie de l’auteur et metteur en scène Pascal Rambert, aujourd’hui directeur du théâtre de Gennevilliers. Sidéré par cette mise à pied, celui-ci raconte : “J’ai travaillé pendant dix ans avec lui et, en tant qu’administrateur, il a développé la compagnie comme personne. J’ai toujours eu des comptes très clairs avec lui. Il est très fidèle aux artistes et on est resté liés. C’est lui qui m’a encouragé à candidater pour la Villa Fukuyama et à rencontrer des producteurs de cinéma. Il a toujours provoqué des rencontres et des déplacements dans mon parcours, notamment en me faisant rencontrer Annie Bozzini au CDC de Toulouse où j’ai créé ma première pièce de danse. La dernière invitation d’Emmanuel remonte aux Hivernales 2013 où j’ai créé Memento Mori qui tourne aujourd’hui dans le monde entier. »
Quelle que soit la véritable raison, politique, budgétaire ou artistique, qui lui vaut aujourd’hui sa mise à pied, il reste que l’édito qu’il signe pour la 38e édition des Hivernales, intitulé La Relève ?, laisse un goût amer. Une chose est sûre ; si l’on vient aux Hivernales régulièrement depuis 2009, cette année, on ne sera au rendez-vous qu’à la condition de voir Emmanuel Serafini réintégré à son poste.
D’ici là, on peut toujours signer la pétition lancée en décembre par les candidats du Vaucluse de la liste EE Les Verts.