Un double programme explosif et envoûtant interprété par l’exceptionnel Ballet de Göteborg, de retour à La Villette pour la troisième fois depuis sept ans.
Plus que trois jours pour se précipiter à La Villette ! L’exceptionnel GöteborgsOperans Danskompani, un ballet de danse contemporaine qui fait appel aux plus grands chorégraphes, aujourd’hui dirigé par Katrin Hall, y présente un double programme signé Hofesh Shechter et Sharon Eyal. Pour celles et ceux qui étaient au théâtre des Abbesses début avril, ils retrouveront la pièce Contemporary Dance d’Hofesh Shechter, interprétée alors par les danseurs de sa compagnie dans une version légèrement différente. Il se trouve que c’est pour le GöteborgsOperans Danskompani que le chorégraphe a créé cette pièce en 2019, scindée en plusieurs chapitres aux titres mi-moqueurs mi-informatifs, révélateurs de l’esprit de troupe qui fait office de moteur chorégraphique.
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Des costumes, tenues de ville décontractées aux couleurs vives, à la bande-son électronique conçue par le chorégraphe – une composition percussive en diable jusqu’à ce que Bach et Sinatra emportent le final dans une touche joyeusement nostalgique –, tout concourt à faire de cette pièce de groupe pour quinze interprètes une ode au collectif. Lequel ne cesse d’éclater en expressions singulières où l’individu trouve une puissance d’expression apte à transformer les moments d’unisson en épiphanie du mouvement. Ici, l’énergie est communicative et engage le corps dans une grammaire corporelle qui pioche à tous les vocabulaires disponibles, du clubbing à la transe, osant même le sampling gestuel dans des solos et des duos irrésistibles de légèreté, de fluidité et de puissance rythmique.
Changement total d’atmosphère avec Saaba de Sharon Eyal, pièce hypnotique où le leitmotiv gestuel de la danse, hiératique et reposant sur un axe du corps dressé sur la pointe des pieds, se décline en une myriade de traversées du plateau, en solos ou en groupe. Saaba opère une jonction alchimique entre la grammaire du ballet classique (on pense plus d’une fois à l’iconique Lac des Cygnes) et celle de la danse contemporaine, façon Lucinda Childs. Une impression de collage esthétique rehaussée par la somptuosité des justaucorps conçus par Maria Grazia Chiuri de la Maison Dior, les lumières ombrageuses d’Alon Cohen et la composition musicale d’Ori Lichtik.
Et pourtant, la singularité de Saaba défie ces influences et compose une chorégraphie superbement déclinée à partir du solo initial et magnétique de Miguel Duarte. À nouveau, la troupe du ballet y expérimente la complexité harmonique des mouvements d’ensemble encadrant des solos bouleversants d’intensité. “Le travail de Sharon est comme une torture agréable, résume exactement un autre danseur, Duncan C. Schultz, comme une extase douloureuse, comme des opposés réunis à chaque instant, à chaque pas, à chaque mouvement. Tout un éventail en une seule expérience. Danser son œuvre est une sorte d’expérience transcendantale.“ “Motion is emotion“, disait Merce Cunningham. On ne saurait mieux dire notre ressenti à l’issue de cette inoubliable soirée.
Contemporary Dance d’Hofesh Shechter, Saaba de Sharon Eyla, par le Göteborgsoperans Danskompani. Jusqu’au 7 mai à la Grande Halle de La Villette.
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