Chaque année, le Turner Prize, l’une des plus prestigieuses distinctions de l’art contemporain, récompense un artiste de moins de 50 ans vivant et travaillant au Royaume-Uni. Cette année, il a été décerné à Helen Marten, 31 ans – qui en a profité pour appeler à l’ouverture et à la diversité.
Comme quoi, la stratégie de la fesse ne paye pas toujours. Lorsque l’exposition du Turner Prize avait été dévoilée fin septembre, l’arrière-train géant de l’artiste Anthea Hamilton, Project for a door (after Gaetano Pesce), n’avait pas manqué de faire le tour de la toile. Lundi 5 décembre, c’est finalement Helen Marten qui a remporté la prestigieuse distinction accordée à un artiste britannique de moins de 50 ans. D’une grande cohérence, l’exposition rassemblait les œuvres de quatre artistes – Anthea Hamilton et Helen Marten donc, mais aussi Michael Dean et Josephine Pryde.
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A 31 ans, Helen Marten est née un an après la création du Prix, en 1985. Passée par la Central Saint Martins School of Arts de Londres et la Ruskin Academy de l’Université d’Oxford, son installation présentée dans le cadre de l’exposition des finalistes hébergée par la Tate mettait en scène le monde du travail. Dans plusieurs installations se donnait à voir une journée type de 24 h. Celles-ci prenaient la forme d’assemblages d’objets hétéroclites, caractéristiques de la manière de sa génération, biberonné à la déhiérarchisation des sources induites par l’open access. S’y présentaient les univers fictionnels de six personnages, enclenchant une réflexion sur le temps offert à l’individu contemporain, ainsi qu’aux brouillages des frontières entre labeur et loisir.
Une exposition marquée par les mutations de l’économie
Le Turner Prize, ainsi nommé en hommage au peintre William Turner, est l’un des plus cotés de l’art contemporain. C’est là que des artistes aujourd’hui consacrés comme Damien Hirst ou Anish Kapoor ont véritablement été propulsés sur la scène internationale. Chaque année, l’événement revêt donc une teneur hautement symbolique. D’abord parce qu’il prend la température de l’année en cours, puisqu’il récompense les expositions de l’année précédente plutôt que les pièces réalisées spécifiquement pour le Prix. Dans le cas d’Helen Marten, son projet Lunar Nibs à la 56e Biennale de Venise ainsi que l’exposition Eucalyptus Let Us In à la galerie Greene Naftali à New York en début d’année.
Son archéologie du présent résonne avec le thème de l’économie, également présent chez les autres finalistes. Dont l’installation de Michael Dean, qui avait choisi d’amasser au sol un tas de piécettes, matérialisant le minimum vital pour un an estimé par le gouvernement britannique pour subvenir aux besoins d’une famille avec deux enfants. Ou encore la série de photos de Josephine Pryde, des gros plans sur des mains manipulant les outils de travail du digital native, son extension corporelle aussi – claviers, smartphones, tablettes.
L’an passé déjà, le Prix récompensait le collectif Assemble, œuvrant à la frontière entre art et urbanisme à la réhabilitation de quartiers défavorisés. Ensuite parce que ce Prix comportait trois femmes sur quatre artistes, et qu’Helen Marten marche en cela dans les pas de Laure Prouvost, première Française à avoir remporté le prix en 2013.
Le premier Turner-Prize post-Brexit
Mais cette année, le Turner Prize se chargeait également d’une autre dimension, plus internationale et politique. Suite au Brexit, nombreux sont les acteurs du monde de l’art à s’être demandés quelles allaient en être les répercussions – sur le marché, les galeries, les prêts des œuvres. Si Helen Marten a choisi d’évoquer une tonalité plus générale de repli identitaire sur soi lors de son discours, mettant en avant le privilège des artistes de se trouver “dans une communauté dont l’essence est la diversité et l’exubérance”. Nicholas Serrota, le directeur de la Tate, a pour sa part choisi d’évoquer plus spécifiquement la situation de l’Angleterre : « A un moment où existent des craintes qu’au Royaume-Uni nous ne devenions plus insulaires et plus centrés sur nous-mêmes en tant que nation, le prix Turner nous rappelle que l’art nous ouvre à de nouvelles idées. »
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