Des salons de jeu clandestins, un gangster amoureux d’une jeune femme pieuse… La comédie musicale mythique créée à Broadway en 1950 est présentée pour la première fois en France,
Elles ne sont pas si blanches que cela, les colombes. Et les messieurs, de toute éternité joueurs et hâbleurs, ont un petit cœur qui bat sous le tweed de leur costume de mafieux… L’argument de Guys and Dolls, comédie musicale populaire et mythique créée à Broadway en 1950 et gratifiée de cinq Tony Awards en 1951, peut paraître léger : un parieur invétéré doit, pour ne pas ruiner sa réputation, faire flancher une jeune prude bigote.
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Mais cette fable musicale sur Broadway, qui emprunte son intrigue et ses personnages à plusieurs nouvelles du journaliste et écrivain Damon Runyon, est une photographie sociale de l’Amérique des années 1940-1950.
Un joyau de l’entertainment
Adapté au cinéma en 1955 par Mankiewicz avec, dans les rôles-titres, Frank Sinatra, Jean Simmons, Vivian Blaine et Marlon Brando qui danse et chante pour la première fois, Guys and Dolls, sorti en France en 1957 sous le titre Blanches colombes et vilains messieurs, révélait déjà la dimension sociale de ce joyau de l’entertainment.
L’actualité nous éclairant, le mouvement MeToo et autres repositionnements sur les questions de genre nous offrent aujourd’hui une lecture presque folklorique de cette comédie musicale présentée en France pour la première fois dans une production somptueuse.
Mais ce serait dommage et réducteur de ne s’en tenir qu’à celle-ci car, comme toute grande œuvre, sa portée est universelle. L’intrigue se tisse autour de deux destinées, celle de l’immaculée Sarah Brown, toute à sa mission divine de sauver les âmes perdues, et celle de la meneuse de revue Miss Adelaïde, qui tente depuis quatorze ans de se faire épouser par son gangster de fiancé, courant plus volontiers les salles de jeux clandestins que les salles de mariage…
Scénographie sobre mais clinquante
L’histoire tendue entre deux univers, celui des truands new-yorkais et celui des missionnaires de Save-a-Soul, l’Armée du Salut locale, donne à voir le monde au travers de deux œillères autres que les rapports hommes/femmes : la foi, le fric. Nous en sommes aussi toujours là…
Le metteur en scène Stephen Mear, jouant de l’efficacité sublime de sa troupe de performers anglais dans une scénographie sobre – mais clinquante – faite de panneaux lumineux évoquant à la fois la Skyline et les lumières de Broadway, donne une leçon magistrale du grand art qu’est la comédie musicale comme on peut en voir rarement en France.
Comme dans Singin’ in the Rain ou 42nd Street, qu’il avait déjà présentées en France, c’est l’énergie généreuse des interprètes qui, dès les cinq premières minutes, emporte tout dans un élan qui ne faiblira pas de tableau en tableau. De la rue au Hot Box Cabaret, d’une virée à La Havane aux égouts de New York, cette mafia comedy romantique fait chanter les clichés pour mieux les détourner, révélant, dans une espièglerie endiablée, que la faute morale est révélatrice de la faute sociale…
Guys and Dolls Mise en scène Stephen Mear, paroles et musique Frank Loesser, livret Jo Swerling et Abe Burrow. Jusqu’au 27 juillet, Théâtre Marigny, Paris VIIIe
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