A partir du 14 avril, au Théâtre du Rond-Point, à Paris, le centaure Bartabas rencontre l’extraordinaire danseur de flamenco Andrés Marin. Splendide.
On s’était invité il y a peu dans le studio immaculé d’Andrés Marin au cœur de Séville dans un des quartiers populaires de la ville. Rien n’évoquait le folklore flamenco dans cet espace de travail. Tout le contraire de la caravane de Bartabas sise à Aubervilliers, riche de souvenirs glanés au fil des tournées de Zingaro. Autant dire que la rencontre des deux artistes était aussi attendue que crainte. Qui allait dévorer l’autre ?
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Golgota, s’il emprunte son nom au calvaire, est plutôt un délice. “Marc Chagall voyait la Crucifixion comme un cirque”, commente Bartabas. Lui s’est souvenu des messes de son enfance, même si il s’avoue athée, de sa découverte des motets de Tomas Luis de Victoria aussi, polyphoniste de la Renaissance espagnole et prêtre catholique.
Le flamenco s’est invité dans ce spectacle en la personne d’Andrés Marin, un des rénovateurs du genre. Le Sévillan est en scène cet homme-cheval, cambrure affirmée et pieds pris dans des sabots d’équidés. Pas question de dompter ce fabuleux soliste : Bartabas lui a laissé la bride sur le cou, se tenant presque à distance. Il dit : “Heureusement que j’ai mes chevaux pour me confronter à ce génie!” Horizonte, Le Tintoret, Soutine et Zurbarán sont fidèles au poste. Jusqu’à dialoguer avec Marin qui leur souffle au nez ou improvise une danse des clochettes.
Les deux protagonistes ont échangé leur vision pour nourrir cet opus : à Bartabas, les couleurs des maîtres de la peinture espagnole, la grandiloquence aussi. A Andrés Marin, ce rappel des semaines saintes avec des hautes coiffes et les processions menées dans une passion violente. Entre les deux surtout, le murmure du haute-contre (Christophe Baska), du cornet ou du luth, sans oublier les trépidations du flamenco. Marin fait de son trône un plancher de danse, de ses doigts habillés de métal un instrument virtuose.
Golgota est une épure qui, par instant, se pare d’excès : le cavalier un voile rouge sur la tête, le cheval cagoulé, l’interprète au sommet de la croix, Christ flamenca improbable. Bartabas parle encore de mano à mano entre eux. Mais il n’y a nulle surenchère esthétique dans ce Golgota qui a perdu son « h » en route, juste la simplicité de deux êtres au sommet de leur art. Et transfigurés l’espace d’un instant.
Théâtre du Rond-Point, Paris du 14 avril au 11 mai ; La Coursive, La Rochelle du 22 au 27 ma ; Odyssud Blagnac du 2 au 6 juin.
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