Avec Moïse dans sa ligne de mire, Romeo Castellucci s’interroge sur les rapports entre l’art et le destin du premier prophète monothéiste.
De Moïse, on sait l’abandon à la naissance, l’odyssée sur les flots, la révélation du Buisson ardent, l’invention des Tables de la Loi, la destruction du Veau d’or et la libération du Peuple élu… Autant d’images légendaires dont Hollywood a fait son miel. Pour Romeo Castellucci, qui s’inspire pour Go Down Moses du livre de l’Exode et des écrits de Freud, Moïse est avant tout “L’unique personne qui ait rencontré Dieu.”
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A l’image du Dieu du Buisson ardent “image tautologique, d’un feu qui brûle sans fin », poursuit Romeo Castellucci, l’artiste est celui qui à travers sa pratique peut rendre une trace éternelle dont “l’idée est un feu qui brûle sans rien brûler”. Ainsi, l’art dans son éternelle vivacité serait comparable et surtout antérieur à la révélation du divin. Romeo Castellucci fait la démonstration en image de cette hypothèse via un spectacle magique, aussi sublime qu’énigmatique.
Tout n’est que pudeur dans ce théâtre où chaque tableau vivant se déroule derrière un voile transparent qui ferme le cadre de scène. Un procédé qui permet à Roméo Castellucci de faire siennes toutes les formes artistiques, jusqu’à celle de la série policière. En gros plan au centre du plateau, voici l’épisode presque insoutenable d’une jeune femme victime de saignements dans les toilettes d’un bar. Puis tout aussi éprouvantes, c’est un nouveau-né qui se débat dans un sac poubelle ou encore cet autre plan dans un commissariat, où un officier de police et une psychologue tentent de faire avouer à cette mère mutique puis divagante l’endroit où elle vient d’abandonner son bébé.
Un nœud de mystères et d’émotion
Attendez-vous aussi à être dérouté, Castellucci travaille son spectacle à la manière d’un cadavre exquis. Un collage d’images dont on ne peut rendre compte sans risquer d’en dire trop. Au final, cette fabuleuse aventure de la recherche de “l’éternel” par l’espèce humaine s’achève sur un morceau de bravoure digne de Stanley Kubrick avec la reconstitution d’une grotte des premiers temps de la vie en société.
Là, un couple d’avant l’âge du feu, nous offre, dans une séquence inouïe, l’occasion d’assister à la première performance artistique de l’histoire de l’humanité. Comme un message envoyé à travers le temps, ce sont alors les traces de mains couvertes de pigments que ces premiers humains impriment sur le voile qui les sépare de nous.
Fulgurant dans chacun de ses tableaux, ce nœud de mystères et d’émotion qu’est Go Down Moses place le théâtre de Romeo Castellucci dans un Olympe à nul autre comparable. Une nouvelle réussite pour l’artiste qui à travers le discours sur Dieu réussit à prouver que l’art est l’une des plus émouvantes et poétiques créations de l’homme… Celle où il se retrouve à discourir avec Dieu sur un pied d’égalité.
Go Down Moses, mise en scène, décors, costumes, lumières, Romeo Castellucci. En italien surtitré en français. Théâtre Vidy à Lausanne (Suisse) les 27 et 28 octobre.
Festival d’Automne à Paris au Théâtre de la Ville du 4 au 11 novembre.
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