La rétrospective Rochelle Feinstein au Centre d’art contemporain de Genève permet de retrouver toutes les facettes d’une artiste qui pratique l’humour et le mélange des genres et affirme son féminisme.
Dans le travail de Rochelle Feinstein, il est un angle mort dont on ne parle jamais : son passé de Guerrilla Girl. Si rien ne permet d’affirmer qu’elle fut active au sein de ce collectif né en 1985 en réaction à la sous-représentation des femmes – et pour cause, le groupe, toujours actif, fit de l’anonymat l’une de ses armes –, il reste dans le travail de cette artiste américaine des traces de ce passé militant et un net penchant pour l’humour.
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La rétrospective que lui consacre le Centre d’art contemporain de Genève commence donc en 1991. Black-out sur les années précédentes, on apprendra juste que Rochelle Feinstein (née en 1947) dirigea le département de peinture de Yale et vit défiler des générations d’artistes qui constituent encore aujourd’hui son cercle d’amis, de Rachel Harrison à Wade Guyton.
“Une conscience de soi, en tant que femme et en tant que féministe”
L’exposition se présente sur plusieurs étages, très différents, qui font dire que même pendant cette deuxième période avouée du travail de Rochelle Feinstein, cohabitent plusieurs vies et esthétiques. Parmi les points de repère : “une conscience de soi, en tant que femme et en tant que féministe” et un sens de l’autodérision et de la formule qui rappelle les stratégies de communication des Guerrilla Girls.
Mais côté outing, on ira plutôt chercher dans cette exposition la révélation d’une pratique d’artiste décousue qui fait du mélange des genres sa marque de fabrique. Au premier niveau, une installation plutôt mauvais goût – boule disco cimaises de biais et bad paintings – convoque Michael Jackson et Barry White, son idole.
“I made a terrible mistake”
La pièce s’appelle I Made a Terrible Mistake, eu égard à cette phrase que prononça le roi de la pop après avoir malencontreusement secoué son bébé au-dessus du vide. “I made a terrible mistake, c’est aussi, raconte amusé le commissaire de l’expo Fabrice Stroun, ce que Rochelle veut nous faire croire : j’ai choisi d’être peintre mais, désolée, j’ai fait une grave erreur. C’est un peu comme un musicien qui vous dirait : j’ai pris la clé de sol pour ce morceau mais je me suis trompé et tout ce que vous allez entendre après est faux.”
Voilà pour la dose d’humour. Au même étage, l’artiste organise sa succession, The Estate of Rochelle F., avec une installation de 2008 qui correspond à l’effondrement du marché immobilier. Forcée de faire de la place, elle transforme tout ce que contient son stock en un gigantesque mural où s’alignent sur le même plan de vieux châssis, une annonce Craigslist et un cadeau offert par Rachel Harrison.
“J’adooore votre travail !”
A l’étage supérieur, changement d’ambiance, l’expo prend la mesure de l’ampleur du travail et décline une série de monochromes verts sur lesquels l’artiste reproduit à l’envers quelques-unes des phrases les plus entendues dans les vernissages : “J’adooore votre travail !”, “Le chèque arrive” et un plus inattendu (mais que nous ne traduirons pas) “I promise not to cum in your mouth”.
Suivent un carnet de bord de son tour (raté) d’Europe, un clin d’œil ironique à l’opération “le mois de la femme” organisée tous les ans à Washington et une variation sur la “grille moderniste”. “Rochelle Feinstein, c’est comme un acteur de stand-up qui ferait des blagues sur lui-même”, conclut le commissaire. Claire Moulène
In Anticipation of Women’s History Month jusqu’au 24 avril au Centre d’art contemporain de Genève, centre.ch
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