Les frères Bouroullec s’exposent à Rennes au sein d’un quadruple parcours où les designers stars présentent leurs tout premiers projets pour l’espace public.
Deux frères Bouroullec, quatre expositions rennaises. Les incontournables du design français se déclinent d’abord en une rétrospective d’objets connus (Serif TV pour Samsung, service de table Aio pour Habitat…), mais présentés sous l’angle de la fabrique, par les étapes et les matériaux de leur élaboration.
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C’est au Frac Bretagne. Puis, au même endroit, les 17 Screens déjà exposés à Tel-Aviv l’an dernier : écrans qui ne cachent rien, fantaisies d’assemblages plus propres à la contemplation qu’au cloisonnement. Ensuite, un Kiosque au Parlement de Bretagne, cabane de compétition montable en trois heures et destinée à la Ville de Paris.
Branchettes, mousse séchée et coquillages
Enfin, et c’est le moins attendu de la part de designers jusque-là identifiés à l’univers intérieur, Rêveries urbaines, une série de projets pour aménagements de jardins, places, allées, exposées dans le complexe culturel des Champs libres.
Plongée dans une semi-obscurité, les maquettes sont jonchées de branchettes, mousse séchée, coquillages. La fumée sortant d’une cheminée en forme de cymbale (elle abrite un foyer) est faite de coton. De loin, chacune de ces “rêveries” prend un air pré-romantique : lampions, guipures, pergolas, chaque lieu semble préparer une réunion populaire, comme si les espaces ne se découpaient qu’en travellings et en rondes.
Petits personnages de carton
On pense à Rousseau : “Plantez au milieu d’une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore : donnez les spectateurs en spectacle ; rendez-les acteurs eux-mêmes ; faites que chacun se voie et s’aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis.”
Des spectateurs devenus acteurs, il y en a dans ces maquettes : petits personnages de carton dont les silhouettes évoquent celles des Bouroullec, ils semblent éprouver l’espace, chercher une position. Certains se retrouvent allongés et rêvassant, d’autres debout et méditant.
Une série de terrasses plantées
De près, on retrouve dans ces maquettes certains éléments du lexique bouroullecquien : des guirlandes sont des variations sur le lustre Gabriel (2013) du château de Versailles. L’Audiolab de 2002 devient une série de terrasses plantées ; le grand Champ textile présenté à Londres en 2011 est réinventé en divan-belvédère de pierre.
Souvent aussi des algues, cet emblème de la fluidité trans-règne dont les Bouroullec ont fait leur blason. Mais il y a aussi ici un rite caché, des clôtures qui n’en sont pas : certaines propositions déjouent la figure de l’hortus conclusus avec sa source fermée, telle cette allée entre deux murs hauts où coule un ruisseau. Mais l’eau peut aussi se faire cascade, ricochant dans des aqueducs en guirlande qui, comme le reste de ces aménagements, ne touchent presque jamais terre.
Assortiment de matériaux plus ou moins contraires
Cette légèreté caractérise aussi la série des 17 Screens. Lorsqu’on la parcourt, on se dit que l’art des Bouroullec repose en partie sur le nouage. Ici, le jeu consiste en l’assortiment de matériaux plus ou moins contraires : aluminium et soie, verres soufflés et caoutchouc, céramique émaillée et câbles…
Les textures se fondent tout en rendant visible leur suture. C’était déjà le principe de la collection de meubles Steelwood (2007), où l’acier et le bois paraissent naître de la greffe de l’un sur l’autre, ou encore des collections Osso (2011) et Copenhague (2012) dont assises, dossiers et plans sont systématiquement coupés en deux, en vertu peut-être de la symétrie des corps vivants. “Comment ça tient ensemble ?” : c’est peut-être la question adressée par les Bouroullec aussi bien aux matières qu’aux sociétés. La réponse est un classicisme organique, qui s’autorise du coup toutes les diversions de l’imagination.
Ronan & Erwan Bouroullec jusqu’au 28 août à Rennes, bouroullec.com/rennes
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