La galerie David Zwirner inaugure sa nouvelle adresse dans la capitale avec Raymond Pettibon. Frenchette : une exposition de dessins entre critique et fascination pour les insignes crépusculaires de l’Amérique.
On ne s’attardera pas outre mesure sur les liens de Raymond Pettibon avec le punk et l’underground sud-californien. Le premier, il en refuse l’accroche : trop facile, réductrice même. Après tout, il s’agit là d’une histoire de jeunesse et de famille : son frère fonde le groupe Black Flag en 1976, il dessinera alors leur logo, puis leurs pochettes d’album.
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Aujourd’hui basé à New York, Raymond Pettibon n’a plus 19 ans mais 62, et sa dernière collaboration avec une grande marque de luxe est bien plus récente que ses années fanzines.
Un décalage entre texte et image
Depuis 1995, il travaille avec l’une des galeries les plus puissantes du monde, la galerie David Zwirner, et dans ce cadre s’arroge la primeur de son nouvel espace parisien. Il viendra donc, le premier, imprimer sa marque à une adresse historique, le 108, rue Vieille-du-Temple dans le Marais. C’est là que fut implantée en 1986 la galerie Yvon Lambert – pivot de la scène artistique française qui introduira aux minimalistes et aux conceptuels américains –, à laquelle succédera, à sa fermeture en 2014, la galerie VNH pendant quatre ans.
Après New York, Londres et Hong Kong, David Zwirner pose donc le pied à Paris, avec une exposition de Raymond Pettibon. Frenchette, son titre, s’inscrit dans la suite de ses dernières grandes rétrospectives muséales. Soit un accrochage de type salon (du sol au plafond) comme celui qu’il présenta, en 2017, sur trois étages, au New Museum à New York pour A Pen of All Work .
A Paris, on retrouve une nouvelle série de ses œuvres sur papier, exécutées à la gouache d’un trait enlevé. Les ensembles sont organisés par affinités liant formes, couleurs et thèmes : les cœurs écorchés, le mystère de la création (Shakespeare et Picasso), les cartoons (Gumby), les portraits politiques (Nancy Reagan, Lénine), le sport (le base-ball, l’équitation, le surf), les cieux calmes avant la tempête.
Chaque dessin repose sur le décalage entre texte et image. Portraits entrelacés de l’artiste, de l’Amérique et de l’état du monde, Raymond Pettibon semble toujours aimer malgré lui les stéréotypes qu’il fait mine de dénoncer.
Artiste vendu ou naïf, critique ou nostalgique
Au début de sa pratique, les contre-cultures surf, punk, BD se mariaient aux rêves d’Hollywood. Très vite arrivent le tournant politique et une virulence plus ciblée.
Mais Pettibon ne sera jamais un caricaturiste, et cette Amérique-là est toujours empreinte de la fascination devant ses symboles, dont la puissance fait le lit des impérialistes belliqueux mais également des adolescents rêveurs.
Le crépuscule des idoles y est en même temps nimbé d’un romantisme gentiment régressif.
Si l’artiste en est à une dizaine d’expositions avec la galerie, le choisir pour inaugurer l’espace parisien est malin. On ne saura jamais si Raymond Pettibon est vendu ou naïf, critique ou nostalgique, sa posture même d’artiste se construisant sur cette zone grise.
Ce qui permet alors à David Zwirner de cocher toutes les cases : envelopper le pavé d’un engagement de bon ton (antiaméricanisme et écologie) d’un attrait visuel immédiat qui pique tout autant qu’il caresse.
Raymond Pettibon : Frenchette Jusqu’au 23 novembre, Galerie David Zwirner, Paris
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