Avec José Garcia, Isabelle Carré et Jérôme Kircher, Frédéric Bélier-Garcia réactualise la pièce de Max Frisch dans un spectacle où dialoguent le théâtre et le cinéma.
Alors qu’il pensait la fête finie, un homme se retrouve seul dans son appartement avec une parfaite inconnue. “Une fois les invité·es parti·es, je l’ai trouvée assise là. Que fait-on d’une inconnue qui ne s’en va pas, et qui reste là assise sans rien dire, à deux heures du matin ?” Les deux vont finir par vivre ensemble pour le meilleur et peut-être le pire.
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Dans Biographie : un jeu, Max Frisch (1911-1991) questionne les hasards qui construisent nos vies. Sur l’air de “si c’était à refaire”, il offre au professeur Kürmann (José Garcia) l’occasion de rebattre les cartes de sa destinée pour lui préférer une existence où il pourrait se dispenser de la présence d’Henriette (Isabelle Carré), devenue la femme de sa vie. Frédéric Bélier-Garcia précise : “Tel un chien tirant sur sa laisse ; tragique et ridicule, il rue dans les brancards de sa mémoire, se cognant aux êtres de son passé, comme aux figurines d’une boîte à musique vivante dont il essaie de changer la mélodie.”
Une exploration des possibles
S’amusant de l’exercice de style d’une réécriture de Faust dans les années 1970, Max Frisch se doit d’avoir un diable en accord avec son temps. Ainsi, son maître du jeu a des allures de réalisateur de cinéma (Jérôme Kircher) accompagné des drôles de démons que sont une script-girl (Ana Blagojevic) et un assistant (Ferdinand Régent-Chappey), pouvant à tout instant être mis à contribution pour incarner les personnages secondaires de l’intrigue.
Au gré des désirs de Kürmann, la comédie condense sa cruelle exploration des possibles à travers les visions d’un réel qui se démonte et se remonte sans cesse. Par son étonnante plasticité, la scénographie d’Alban Ho Van propose le décor d’un appartement conçu comme un puzzle mouvant et apte à témoigner avec brio de la mue des lieux en fonction de l’avalanche des hypothèses.
Convoquant un trio d’exception avec José Garcia, Isabelle Carré et Jérôme Kircher, Frédéric Bélier-Garcia trouve le ton juste d’une interprétation très naturelle, proche du cinéma. Détail d’importance, en remettant sur le métier Biographie : un jeu, sa première mise en scène, Frédéric Bélier-Garcia s’identifie à Kürmann, pour ajouter une enveloppe de vérité à un jeu avec le réel digne des poupées russes. Avec humour, il choisit de citer Cioran : “Ce que je sais à 60 ans je le savais déjà à 20 ans. 40 ans d’un long et pénible travail de vérification.” Cette goutte de sagesse lui suffit pour se confronter à l’océan d’une pièce où tempête une si douce folie.
Biographie : un jeu de Max Frisch, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia. Avec José Garcia, Isabelle Carré, Jérôme Kircher, Ana Blagojevic, Ferdinand Régent-Chappey, piano Simon Froget-Legendre. Jusqu’au 3 avril, Théâtre du Rond-Point, Paris 8e. Du 3 au 7 mai, Théâtre de l’Odéon, Marseille. Du 11 au 14 mai, Théâtre de Nice.
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