Ambitieuse sur le papier et irréprochable sur l’approche historique, l’exposition “Foot et monde arabe : la révolution du ballon rond » pêche toutefois par son impasse sur des sujets, où il n’est pas permis de le faire.
A partir du 10 avril et jusqu’au 21 juillet, l’Institut du monde arabe (IMA) accueille Foot et monde arabe : la révolution du ballon rond. Après Nous sommes foot, au Mucem de Marseille et Par amour du jeu 1998-2018, aux Magasins généraux de Pantin, l’an dernier, cette exposition démontre que quelque chose est en train de se passer entre l’art et le sport.
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Cette fois, l’IMA a choisi de se poser la question de la place du « sport-roi » dans les sociétés arabes, à travers 11 histoires et autant d’angles censés apporter des clés de compréhension des enjeux politiques et sociaux structurant le monde arabe depuis le début du XXe siècle.
Hommage à la star Ben Barek
L’expo débute par un hommage à la première star du football arabe, Larbi Ben Barek, à l’aide de nombreux documents d’époques (de superbes maillots notamment) et de documentaires qui racontent cet esthète avant l’heure. On bascule très vite sur l’histoire de l’équipe du FLN : au printemps 1958, des joueurs issus du championnat de France, jouant pour certains en sélection nationale, quittent leurs clubs français dans la clandestinité, afin de créer la première équipe nationale algérienne.
ben barek (larbi) *** Local Caption ***
Ben Barek s’entraîne
SV (05/1958 ; n°24) : « Le sport marocain à visage découvert », p 82-90
fonds n/b
Parmi eux, des stars du football de l’époque, dont Rachid Mekhloufi, Abdelaziz Ben Tifour, Mustapha Zitouni ou encore Abderrahmane Boubekeur. Dans le contexte de la guerre d’Algérie, cet événement eut un retentissement de grande ampleur en France et en Afrique du nord. L’équipe du FLN entame alors une tournée mondiale qui fut l’occasion de jouer pour une reconnaissance aussi bien sportive que politique. Il fallut 91 matchs et l’indépendance de l’Algérie pour que cette équipe soit officiellement reconnue par la Fifa en 1962.
D’autres belles histoires, il n’y en a une palanquée : de la fondation du Nejmeh Sporting Club au Liban qui a longtemps promu le mélange des identités ethniques au sein de la même équipe, au développement du football féminin en Jordanie, jusqu’au combat des petits Palestiniens pour jouer au football malgré les contraintes géopolitiques et sécuritaires.
Des absences qui perturbent et interrogent sur le Qatar
Pourtant, l’exposition ouverte à l’IMA comporte quelques incohérences qui la feraient presque se faire sanctionner en position de hors-jeu. Notamment lors de l’évocation du Qatar comme organisateur de la prochaine coupe du monde en 2022. A aucun moment n’est abordé la question des conditions déplorables dans lesquelles des ouvriers privés de leur passeport ont construit les stades qui accueilleront la compétition. A ce sujet, on préfère largement diriger le spectateur vers le très joli documentaire The Workers Cup, diffusé notamment au festival La Lucarne l’année dernière.
On évitera aussi de s’attarder sur la dixième histoire consacrée au PSG, intitulée Au-delà du sportif. L’accent mis sur le côté lifestyle de la marque dénature trop fortement ce sport qui se veut « le miroir dans lequel se projettent enjeux sociaux et politiques, revendications identitaires, voire dérives nationalistes et religieuses », comme l’écrit Jack Lang, le président de l’Institut, en édito de l’exposition… Sponsorisée, entre autres, par le Qatar. Dommage.
Foot et monde arabe : la révolution du ballon rond, du 10 avril au 21 juillet 2019 à l’Institut du monde arabe www.imarabe.org
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