On aura beaucoup vu la danse en duo durant cette édition. Signe des temps : à deux c’est mieux.
Elles s’avancent, complices, dans la douceur d’une fin de matinée au Jardin de la Vierge du Lycée SaintJospeh : l’une c’est Elsa Wolliaston, une histoire de la danse à elle toute seule, l’autre c’est Roser Montllo Guberna, moitié du duo « Toujours après Minuit ».
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Sisters, commande des « Sujets à Vif », est une rencontre qui se passe d’effets. C’est une histoire de corps et de fantômes avec ces absents le spectacle est dédié au chorégraphe et danseur Fabrice Dugied et ses éclats. De rire. Le rire d’Elsa est un spectacle à lui tout seul : inquiet, franc, solaire. Elle a les dents du bonheur. Elle a du croquer la vie ainsi, au risque de se mordre les lèvres parfois. Roser Montllo Guberna joue son faire-valoir avec une sensibilité rare : la maternant presque, une chaise à la main, l’entourant de ses bras également. Elle va jusque qu’à lui grimper dessus. Leur numéro de duelliste est un dialogue sensible sur le temps qui passe. Aidées de Brigitte Seth à la dramaturgie ces Sisters sont un peu les nôtres.
Duo toujours celui formé par Lisbeth Gruwez et Nicolas Vladyslav dans We’re Pretty Fuckin’Far From Okay : d’abord isolés, chacun sur sa chaise comme paralysés par une peur invisible, les danseurs entrent dans une transe qui peu à peu va les porter l’un vers l’autre.
Lisbeth Gruwez a travaillé sur les mécanismes de la peur, du repli, a étudié la gestuelle dans les films d’Alfred Hitchcok (on entend des cris d’oiseaux diffus). Tout son travail dans cette pièce ardue porte sur l’angoisse latente : mais de quoi, de qui ? On sent bien la peur gagner le tandame jusqu’à ce fabuleux numéro qui voit la paire dans une chorégraphie mécanique, des gestes répétés, furieux. De chorégraphie en chorégraphie Gruwez s’ingénie a étudié ce corps social qui traduit le monde en soubresauts : que ce soit en « imitant » un prédicateur ou en se glissant dans la « peau » de Bob Dylan elle vise en plein cœur à chaque fois. We’re Pretty Fuckin’Far From Okay est sans doute moins lisible dans ses intentions de prime abord mais il produit un effet salvateur longtemps après les saluts.
Fatmeh- Photo : Christophe RAYNAUD DE LAGE
Le jeune libanais Ali Chahrour une des rares découvertes danse du Festival aura lui mis en scène la joie et la douleur dans Fatmeh duo où il rend hommage à Fatmeh Zahra et Oum Kalsoum. Dans le cadre du Cloître des Célestins magnifié par des lumières dorées ce chorégraphe entame une danse comme un rituel de vie et de mort.
Il se perd parfois dans son propos mais peut compter sur deux interprètes exceptionnelles Rania Al Rafei et Yumma Marwan à la présence rare. Elles tournent, pleurent, s’illuminent sans jamais lâcher prise. Elles sont toutes les femmes : Fatmeh ce soir de dernière ne commença pas par une minute de silence mais par une minute de clameur demandée par l’équipe. Un hommage aux victimes de Beyrouth, de Bagdad ou de Nice tel un cri d’espoir.
Festival d’Avignon jusqu’au 24 juillet: Sisters ( 11 h) We’re Pretty Fuckin’Far From Okay ( 18h30)
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