Vision dantesque d’un XXéme siècle en creuset de toutes les violences, le roman fleuve de Roberto Bolaño trouve en Julien Gosselin un furieux exégète. Une mise en jeu en image et en son qui s’apparente pour le public à une déferlante d’émotions.
Une odyssée théâtrale de douze heures. Avec 2666, Julien Gosselin propose l’apnée fascinante d’un spectacle qui se permet de nous détourner du quotidien de nos existences pour se donner les moyens d’embrasser la démesure d’une œuvre littéraire. Hommage rendu au roman testamentaire de Roberto Bolaño dont la construction en forme de puzzle d’écriture réunit sur plus de 1300 pages : cinq livres pour saisir le chaos du monde au XXe siècle. Le tissage du fil à fil de deux motifs : une enquête sur la vie de Benno von Archimboldi, un auteur allemand contemporain que personne n’a vu et la dénonciation des violences faites aux femmes assassinées par centaines au Mexique dans la ville fictionnelle de Santa Teresa qui ressemble furieusement à celle de Cuidad Juarez où ces crimes ont réellement été commis.
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Macaigne, impayable guest star
Au plus près de la folle entreprise de son auteur, Julien Gosselin installe son théâtre dans la belle scénographie mouvante conçue par Hubert Colas. Un jeu de volumes qui s’assemblent et se recomposent au gré des lieux et des situations pour dire l’intime des personnages autant que l’abstraction poétique de l’épique. Usant de la vidéo et saturant son théâtre de musique electro, Gosselin et sa troupe construisent un show haletant qui fait d’abord la part belle à la performance des acteurs. L’apparition de Vincent Macaigne, impayable en guest star, nous vaut le bonheur de le retrouver via un chat dans le rôle du seul homme qui prétend avoir rencontré le fameux Archimboldi.
L’aventure nous entraîne d’Europe en Amérique. Julien Gosselin a eu la belle idée de faire traduire le texte de Bolaño en anglais, en espagnol et en allemand pour certains monologues. 2666 prend alors les allures d’une fantastique Tour de Babel où toutes les destinées se croisent avec un surcroit de vérité. Bluffant.
Patrick Sourd
2666 de Roberto Bolaño, mise en scène Julien Gosselin avec le collectif Si vous pouviez lécher mon cœur. Festival d’Avignon à La Fabrica
Jusqu’au 16 juillet (relâche les 9, 11, 13 et 15 juillet)
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