De Jan Martens à Maud Le Pladec, le futur se danse, y compris par les plus jeunes interprètes vu·es au Festival d’Avignon. Entre espoir et sidération.
Futur proche
Il est là sous nos yeux, presque minuscule, ce clavecin comme incrusté dans le décor, un long banc de bois, s’éveillant sous les doigts de Goska Isphording. 90 minutes durant il accompagnera les interprètes du Opera Ballet Vlaanderen le temps de ce Futur proche. Le chorégraphe Jan Martens n’a peur de rien, ni de faire résonner la musique contemporaine dans la Cour d‘honneur, ni de nous prédire un avenir tout sauf apaisé.
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Tordant l’idée même du corps de ballet, instrument de la norme aux yeux de beaucoup, le Flamand s’invente une évasion faite de sauts, de marches trépidantes, jusqu’au basculement de fin, des danseur·euses essoré·es – dans tous les sens du terme après un bain – comme échoué·es sur le plateau. Futur proche fait montre parfois d’une certaine raideur, fébrilité des soirs de première. Mais déjà, on devine un autre futur chorégraphique, désirable celui-là, dans cette approche nouvelle du mouvement. Réunissant une troupe composite, avec deux adolescentes en guest, Martens dit beaucoup de nos peurs actuelles entre catastrophe climatique et repli sur soi.
À bien des égards, la pièce fonctionne en miroir d’Any Attempt Will End in Crushed Bodies and Shattered Bones donné l’an passé, déjà à Avignon. Jan Martens s’avoue moins optimiste qu’il y a douze mois. Sa danse n’en est que plus séduisante.
Silent Legacy
Silent Legacy a le double visage d’Adeline Kerry Cruz et de Audrey Merilus. La première, frange à la Wintour, a 8 ans, pratique le krump, danse des ghettos de Los Angeles, et ne doit pas peser plus lourd qu’une poignée de programmes du Off. La puce canadienne a appris cette danse auprès de Jr Maddripp. Sur une partition fiévreuse de Chloé Thévenin, Adeline développe son art gestuel tout en ondulations parfois saccadées. L’enfant se mue plus d’une fois en adulte, grimace aidant, puis redevient l’élève docile du maître. Le plus beau, dans Silent Legacy de la chorégraphe Maud Le Pladec, se situe dans l’entre-deux, le passage d’un corps à l’autre. Audrey Merilus, en ombre, va progressivement dompter le plateau. Sa grâce, ses courses, ses arrêts sont autant d’instantanés en mouvement. Une découverte.
Vive le Sujet !
Plus modeste dans sa forme, Promettre, duo avec comme accessoire un micro, voyait la paire Erwan Ha Kyoon Larcher et Benjamin Karim Bertrand oser la fusion des sens, corps à corps, bouche offerte ou déshabillant l’autre. On en passe. Sur la bande-son de Ha Kyoon, vrombissement érotique, ce pas de deux ne manqua pas de troubler l’assistance de cette fin de matinée. Un autre dialogue dansé, entre Vincent Dupont et Bernardo Montet, masqués et maquillés, était un peu le négatif de ce duo solaire. Ici la gestuelle se déplie à rebonds, les corps s’évitent puis se retrouvent dans une scénographie de balles XXL. La seconde série de Vive le Sujet !, de belle tenue, laissait également la place à des collectifs miniatures comme le séduisant quatuor de Partie avec Tamara Al Saadi, Justine Bachelet, Eléonore Mallo et Jennifer Montesantos. Imaginant des “carnets” de guerre d’un jeune soldat, cet opus avec bruitage en direct et participation du public intrigue. Plus en tout cas que Ladilom, rencontre de Tünde Deak et Léopoldine Hummel autour de cabanes-chansons.
Avignon, en cette seconde semaine de créations, bruissait des rumeurs sur la suite, l’édition 2023 qui sera la première de Tiago Rodrigues. On aura croisé dans les rues Anne Teresa De Keersmaeker, Trajal Harrell, Vincent Macaigne ou Lisaboa Houbrechts. Déjà une (future ?) affiche de rêve.
Festival d’Avignon jusqu’au 26 juillet
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