C’est à Leslie Mannès, Thomas Turine et Vincent Lemaître que l’on doit ce rituel chamanique magistral. Pendant 55 minutes, les trois danseuses convoquent une puissance palpable, qui tient les spectateur·trices cloué·es à leur siège.
Au début, tout était noir. Puis la lumière fut. Pas la grande lumière créée par le vieux barbu qu’on appelle Dieu. C’est une lumière plus sombre, plus ancienne, plus dangereuse. Trois petites lumières dans les abysses des océans primordiaux, trois méduses fluorescentes. Il est évident que la fuite serait raisonnable, mais c’est impossible, la fascination est trop forte, il faudra rester jusqu’au bout.
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C’est de la progressive montée en puissance des trois interprètes (Leslie Mannès, Mercedes Dassy, Thi-Mai Nguyen) qu’est faite la trame du spectacle. Une trame simple, mais saturée de sensations, densifiée par la musique et les lumières comme autant de forces élémentaires. Leslie, Mercedes et Thi-Mai semblent se métamorphoser sous nos yeux : fluides comme des anguilles, tranchantes comme une lame, mortelles comme la foudre, puissantes comme un colosse. Une puissance organique les agite à l’unisson, comme possédées.
Pourtant, c’est bien leur volonté sur scène, leur danse qui invoquent cette entité. La figure de la sorcière contemporaine est une évidence dans ce spectacle et elles rendent honneur à Starhawks, sorcière américaine qu’elles comptent parmi leurs modèles. Starhawcks fait appel à la puissance du dedans, dont chaque corps est porteur. Mais, loin d’une vision de développement personnel, elle appelle aussi à une organisation toute politique, une union des femmes pour réveiller cette puissance.
Forces est l’illustration de cette union. C’est du collectif formé par les trois danseuses et les trois créateurs que naît quelque chose. Seul·es, il n’existe que des corps isolés, impuissants, maltraités. Dans cette perspective, le chiffre trois est symbolique. C’est celui à partir duquel on peut parler de groupe, mais c’est aussi le chiffre de l’irrégularité des formes naturelles contre la symétrie binaire et civilisée.
Performance soutenue par l’exigence artistique des “technicien·nes”
La musique apporte aussi beaucoup au spectacle. Elle rythme le passage entre des ambiances très différentes. Interprétée en live, elle pioche dans la techno et l’électro, mais aussi parmi des mélodies moins attendues comme des thèmes baroques ou des sonorités plus chaudes aux airs de xylophone. Ainsi, dans la dernière partie où les danseuses déchaînent la puissance accumulée dans des pas entre danse tribale et mouvements de flamme, la lumière passe aux teintes chaudes et la musique se transforme en relation.
Le spectacle Forces montre bien qu’en matière de danse, il suffit souvent de peu de choses. Des costumes minimalistes, une scène noire et lisse comme le chaos, des corps qui dansent et des artistes-technicien·nes.
Prochaines dates :
14-15/08/2022 : Sziget Festival, Budapest (Hongrie)
08/10/2022 : La Tour à Plomb, dans le cadre du festival Danse avec les foules, Bruxelles (Belgique)
11/12/2022 : Festival December Dance, au Concertgebouw, Bruges (Belgique)
09/02/2023 : Centre culturel de Kinneksbond, Mamer (Luxembourg)
16/05/2023 : Centre Culturel d’Uccle, Bruxelles (Belgique)
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