Diversement percutantes, portées par des femmes, ces propositions toutes animées d’une sourde violence sociale dressaient de leurs dissimilitudes un panorama complexe mais extrêmement contemporain des rapports entres les êtres.
Alors qu’à Vidy, sur les bords du lac, Thomas Ostermeier présentait son Retour à Reims d’après l’œuvre brillante de Didier Eribon dans une mise en scène d’une très grande justesse, au plus près des préoccupations sociales, intimes, littéraires du sociologue philosophe français, faisant le choix d’une intelligible douceur, presque pédagogique, pour dire les mécanisme de la honte, des diktats sociaux imposés à l’être, de l’inégalité et de la reproduction des schémas de servitude volontaire, en haut de la ville, à l’Arsenic, tempêtaient Samira Elagoz, Ligia Lewis et Simone Aughterlony…
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“Combien de temps pour t’épuiser ?”
Dans Maintaining Stranger, la chorégraphe suisse Simone Aughterlony, réunissant au plateau six belles personnalités de performeurs (euses) aux identités bien trempées et voulant travailler sur l’étrangeté des rapports humains, l’inconnu que demeure l’autre de toute éternité, se perd malheureusement, comme avalée par son propre propos qui, faute de dramaturgie, se noie dans les limbes de la performance et s’épuise lui-même avant même d’avoir épuisé l’audience.
“I’m leaving the frame”
Avec Water Will (in Melody), la danseuse et chorégraphe américano-dominicaine Ligia Lewis explose totalement le cadre, créant un monde imaginaire, une dystopie comme on aime à dire aujourd’hui, une contre utopie aurait dit Aldous Huxley, une fiction en miroir déformant en somme, grossissant les aspérités de nos sociétés. Mélodramatique en diable, puisant aux combats liminaires du voguing, cette troisième partie d’une trilogie consacrée à la race, au genre et à l’identité, non dénuée d’humour, déglingue les rouages de la domination. Comme dans un jeu de rôle, les quatre performeuses danseuses, de chair et de plastique, cartonnent le langage autant que les corps, à la fois victimes et bourreaux, comme dans un show apocalyptique, un cauchemar, un “ sad world “ qui s’achèverait par quelques glissades et mélanges de corps dans une bruine salvatrice.
“Cock Cock… Who’s There ?”
Déjà programmé en Suisse et en France, notamment au festival Actoral à Marseille, la performance documentaire de l’artiste sino-égyptienne Samira Elagoz a remporté de nombreux prix partout en Europe. Cock Cock… Who’s There ? est le spectacle de fin d’étude de cette jeune diplômée en chorégraphie de l’Université des Arts d’Amsterdam. Une immersion bouleversante et dérangeante dans les regards croisés que l’on porte sur l’autre et sur soi-même dans les processus de séduction. Suite à premier viol, Samira Elagoz décide après un certain temps, de mener un travail artistique et documentaire sur la nature de l’homme. Du séducteur à l’agresseur, toujours dans une position de pouvoir, toujours – et encore – ennemi premier de la femme. Dans une plongée narcissique et autocentrée, l’artiste performeuse fouille et triture l’âme des hommes dans ses plus sombres replis. D’abord sur chatroulette, puis en vrai via des petites annonces, Samira Elagoz a rencontré des hommes, de toutes sortes, de tous continents, et s’est lancée dans une étude comportementale de la masculinité… Ce n’est pas très beau à voir, c’est cruellement éclairant sur les rapports hommes femmes et, si l’on se rend compte au travers de ce travail vidéographique que les clichés ont la vie dure, c’est que peut-être ils sont aussi des vérités premières.
Festival Programme Commun, Lausanne. Compte-rendu
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