Une bande d’épouvantails impayables tente de sauver l’avenir de la planète en s’armant de tendresse.
Après un parcours en voiture, le test du “pare-brise propre” aurait dû nous alerter depuis longtemps sur le problème de l’effondrement des populations d’insectes qui truffaient nos campagnes et ne viennent plus s’écraser dans un furieux dripping, digne des toiles de Jackson Pollock, sur les calandres des véhicules. Ce déclin coïncide avec celui des oiseaux qui s’en nourrissent et met en péril, à la manière d’un jeu de dominos, l’ensemble des écosystèmes.
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On pointe du doigt la responsabilité des épandages chimiques, mais puisque les humains semblent incapables de s’entendre pour éviter la catastrophe annoncée, il faut bien que d’autres héros se dressent afin de sauver la planète.
Avec la chronique douce-amère de Farm Fatale, Philippe Quesne passe le relais du combat pour l’écologie à un groupe d’épouvantails repentis se revendiquant en vigiles d’avant-garde postés dans les sillons. Des experts aptes à tirer le signal d’alarme sur l’état de désolation qui menace à court terme l’ensemble de nos paysages.
Héros désarmants, spectacle truculent
C’est sur des airs de comptines que la fine équipe fait son entrée, dans des défroques dépareillées dont le rembourrage de paille déborde de tous côtés. Ils portent des masques en latex qui leur donnent des allures de rescapés d’un film d’épouvante et l’on a du mal à réprimer un fou rire quand leurs voix relayées par des micros transforment le plus basique des échanges en un concert de crécelles.
Prêts à se lancer dans les manifs, ils font dans la rime riche en scandant “Cherchez la solution, pas la pollution !” ou “Qui sème les OGM récolte les problèmes !” Mais la grande œuvre de ces clowns champêtres demeure cette station radio activiste qu’ils documentent d’une bibliothèque de sons pour garder des traces de la vie en pleine nature.
Clowns felliniens
Champions en communication, ils inventent des jeux de mots en anglais. Un “e” supplémentaire suffit pour dénoncer le dur destin des abeilles en revisitant la formule d’Hamlet – “To bee or not to bee” – ou en s’emparant d’un hit des Beatles – “Let it Bee” – pour en faire à peu de frais leur hymne.
Créé au théâtre des Kammerspiele de Munich avec une troupe réunissant trois acteurs allemands et deux complices français de Philippe Quesne, Farm Fatale se joue de la tendre nostalgie fellinienne d’une utopie où des pantins longtemps plantés dans les champs sont les seuls à relever le gant des défis de l’avenir. La leçon provoque irrésistiblement les rires, même si, à l’image d’un conte moderne, elle annonce l’imminence du pire.
Farm Fatale Conception, scénographie et mise en scène Philippe Quesne, en anglais surtitré en français, avec Léo Gobin, Stefan Merki, Damian Rebgetz, Juila Riedler, Gaëtan Vourc’h, du 19 au 25 septembre, Théâtre Nanterre-Amandiers
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