En plein remaniement, et alors que Fleur Pellerin cède sa place à Audrey Azoulay au Ministère de la culture, des acteurs du champ culturel s’inquiètent de voir la « loi création » fragilisée.
Fleur Pellerin était au Sénat jeudi 11 février lorsqu’elle a appris son éviction du Ministère de la culture. Elle y défendait son projet de loi sur la création qui, au-delà de sa technicité, a le mérite, dans le contexte actuel où des oeuvres d’art font l’objet d’attaques inadmissibles (voire l’an dernier les affaires MacCarthy et Anish Kapoor) de rappeler que la liberté d’expression et de création est un droit fondamental.
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« La libre création des œuvres et la libre programmation des spectacles : le texte du gouvernement rappelle qu’elles sont des biens communs qui doivent être, à ce titre, mis à l’écart de choix de pure opportunité politique et garantis par la loi, et prévoit le cadre précis de la politique publique qui lui donne corps, en particulier au travers de la politique de labelisation », déclarait-elle.
Mais les maladresses nombreuses de l’ex-ministre auront eu raison du calendrier législatif, et c’est donc Audrey Azoulay, son ex-camarade de l’Ena, (toutes deux sont issues de la fameuse promotion Averroès) qui aura en charge le vote et l’application de la loi. Elle était d’ailleurs présente dès ce vendredi au Sénat, avant même la passation de pouvoir organisée à 13h rue de Vallois. Nommée conseillère culture de l’Elysée en 2014 où elle a remplacé David Kessler, Audrey Azoulay a occupé des fonctions importantes au sein du CNC pendant 8 ans où elle était directrice générale déléguée. A 43 ans, elle prend les rennes d’un Ministère de la culture au budget certes consolidé (et même légèrement augmenté) mais à l’horizon bien bouché tant il manque cruellement de perspectives, d’ambition et de visions.
Une loi qui veut moderniser et favoriser la liberté en matière d’architecture et de patrimoine
« Si nous ne saurions prendre position sur un remaniement ministériel qui emporte avec lui plusieurs ministres, nous ne pouvons que souligner que le changement de Ministre de la Culture en plein examen par le sénat du projet d’une loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs années, est un fort mauvais signe quant à la place que ce Gouvernement accorde à la création sans laquelle il ne saurait y avoir de culture digne de ce nom » ont fait savoir de leur côté les associations représentant les écoles d’art et les écoles d’art dramatiques, qui se battent pour la reconnaissance de la spécificité de leurs établissements au coeur d’une loi qui, outre l’inscription officielle de la liberté de création, entend aussi moderniser et favoriser la liberté en matière d’architecture et de patrimoine.
Le secrétaire général de la fédération nationale CGT spectacle, audiovisuel et action culturelle s’est lui aussi étonné, comme le rapporte Libération, de voir « Hollande déjuger Fleur Pellin en plein débat sur la loi création et juste avant la négociation du régime de l’intermittence ». Avant d’ajouter « c’est montrer le peu de cas que fait le Président de ces questions ! »
« Une vraie avancée »
« Nous nous tenons néanmoins à la disposition de la nouvelle Ministre de la Culture et de ses équipes pour poursuivre le travail sur une loi fondamentale dont nous attendons qu’elle réaffirme et garantisse la spécificité et l’excellence de nos enseignements supérieurs de la création » ont précisé les porte-paroles des écoles d’art et de théâtre qui souhaitent que les écoles restent dans le giron du Ministère de la culture « en bonne entente et cohérence avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, via notamment la création d’un Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (Cneserac).
« Le Cneser culture est passé ce matin » se réjouit de son côté Arthur Toscan du Plantier nommé à l’autonome conseiller chargé des arts plastiques, du design, de la mode et des relations avec les acteurs culturels et institutionnels par Fleur Pellerin, dont le sort est aujourd’hui entre les mains de la nouvelle ministre. « Il y avait une fenêtre dans la loi, nous sommes revenus à la charge. C’est une vraie avancée ».
« Nous saluons l’adoption de l’amendement du Gouvernement pour la création d’un Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels et le rejet des amendements visant à durcir la loi Fioraso, amendements qui visaient la généralisation et le renforcement de la co-tutelle du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur les écoles de la création » a déclaré dans la foulée l’ANdEA, l’association des écoles d’art, avant toutefois de préciser :
« Nous déplorons en revanche l’adoption de l’amendement qui oblige les écoles de la création à former à la médiation. Le cursus principal des écoles d’art ne peut être conçu comme une formation d’animateurs ou de médiateurs car il est d’abord une formation à la création. Il faut multiplier les passerelles entre celui qui crée et celui qui transmet mais ne pas obliger celui qui crée à transmettre. Penser le contraire va de concert avec une idée dévoyée de l’artiste, du designer et de l’auteur à qui on donne les moyens de créer et que l’on forme mais en demandant quelque chose d' »utile » en retour. »
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