Avec des travaux radicalement opposés, les deux jeunes artistes explorent tous les possibles.
A priori tout oppose les deux jeunes femmes réunies dans cette exposition intitulée Présage. Mais que nous prédit au juste ce petit show qui voit double ? D’abord qu’il se joue là, dans l’écart entre l’œuvre conceptuelle, raide (dans le bon sens du terme) et référencée d’Eva Barto, et celle vivante, émouvante et parfois maladroite (toujours dans le bon sens du terme) de Lola Gonzàlez, quelque chose comme un état des lieux. Celui d’un paysage artistique dans la fleur de l’âge mais qui, loin de constituer un bloc monolithique, essaime quantité de voies possibles. Ensuite, que cette nouvelle génération joue volontiers cartes sur table.
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Très littéralement chez Eva Barto qui met en partage sur un grand plateau certaines de ses lubies. “The Gamblers est une table de négociation qui réunit neuf différentes caractéristiques de mon travail, notamment le rapport à la propriété intellectuelle, à la signature, au plagiat ainsi que le lien que je tente de produire avec les jeux de paris”, commente ainsi l’artiste qui a, entre autres, disposé sur sa “table de travail” une reproduction en format A4 de la revue Flash Art, dont les images ont été recadrées pour faire disparaître toute forme d’identification (contenu, auteurs, légendes). Le reste de sa proposition se joue dans les indices : sur les manches sérigraphiées de ses galeristes, devenues complices, où a été dessiné le plan de table initial, dans ce jeton jeté au sol et encore dans le bureau débarrassé de tous ses attributs traditionnels : ordinateurs, chaises et tables de travail.
Entre communion (en chansons) et confessions (face à la caméra)
Lola Gonzàlez, elle, assume une autre façon de jouer franc jeu. Avec un nouveau film dont la fraîcheur et la crudité donnent à lire sans filtre une génération, la sienne, et celle de la bande d’amis qui l’accompagne dans tous ses projets. Avec son titre qui rappelle la formule prophétique de la série Games of Thrones, Winter Is Coming est un objet ambigu : bercé par le soleil, la musique et l’innocence mais tourmenté par cette menace qui plane. Il met en scène une petite troupe de jeunes gens assignés à résidence pour une raison inconnue. On sait seulement que tout cela devrait mal finir. Entre communion (en chansons) et confessions (face à la caméra), la communauté se disloque et se reforme. Dans ses précédents films, les jeunes héros de Lola Gonzàlez endossaient les masques de monstres culturels du XXe siècle, de Pasolini à Frida Kahlo en passant par Fassbinder, ouvrant ainsi grand les portes d’un panthéon transgénérationnel. Cette fois-ci, ils revêtent les leurs, figeant leurs traits et leurs émotions derrière une représentation d’eux-mêmes. Les yeux bien en face des trous.
Présage jusqu’au 6 juin, galerie Marcelle Alix, Paris XXe, marcellealix.com
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