Créé au Festival des arts de Taipei, Europe connexion relate la vie d’un lobbyiste accomplissant ses basses œuvres au cœur de l’UE. Un spectacle anxiogène et passionnant.
Magnifique auteur, cinglante et incisive, Alexandra Badea plonge avec Europe connexion au cœur de l’univers impitoyable des lobbyistes. En immersion totale. Jusqu’à l’étouffement.
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Le spectacle est guidé par la voix intime d’un narrateur en adresse directe avec le public, comme une étrange réflexion du moi fondu dans un nous englobant et dérangeant.
Les dessous de l’Union européenne
Au fur et à mesure que s’expose une vie menée par l’ambition sombrant dans l’horreur, se dévoilent les dessous d’un lobbyisme présent au sein même de l’Union européenne.
Ce personnage évolue entre le salon et la chambre d’un appartement chic que l’on imagine idéalement situé à Bruxelles, ou bien ce pourrait être une suite de grand hôtel international. Elégant et neutre. Le champagne au frais, le personnel méticuleux et discret.
D’abord assistant parlementaire auprès d’une députée “commission environnement santé publique et sécurité alimentaire”, le jeune homme au costume bien taillé de l’énarque passe à l’ennemi et rejoint l’un des plus gros lobbies de ce marché aux ressources prometteuses, pour un chèque sans commune mesure avec son traitement d’attaché parlementaire.
Cerveaux pervers
Réussissant à bloquer une loi au profit du système de l’argent, il se rend prisonnier d’enjeux qui le dépassent. Il fait désormais parti du système. S’il ne peut pas revenir en arrière, rien non plus ne peut l’empêcher de courir à sa perte, entraînant sa famille dans sa chute et mettant en danger la vie d’autrui.
“Tu aurais pu mettre ton intelligence dans des causes plus nobles, tu aurais pu faire de la recherche, tu aurais pu écrire des bouquins, tu aurais pu éclairer le monde, mais tout ça ne t’aurait pas donné tout ce pouvoir. Tu veux conduire. Tu veux conduire le monde par procuration. Tu aimes être le cerveau pervers de la machine qui tourne.”
Certes inscrit dans une réalité tout à fait contemporaine, quotidienne même, la fiction à l’œuvre dans ce théâtre-là n’est ni documentaire ni journalistique. Plus que les rouages mécaniques d’un système bien huilé, c’est la chair à vif, mâchée, broyée, qui est ici exposée.
Souris de laboratoire
Le choix de Matthieu Roy, le metteur en scène, d’opter pour un dispositif scénique quadrifrontal, le public enserrant la scène des quatre côtés, mais aussi d’équiper chaque spectateur d’un casque audio, l’isolant des autres et créant une plus grande intimité avec les acteurs, renforce et porte haut les enjeux du texte d’Alexandra Badea.
Ainsi piégés par le public et mis sur écoute, les personnages semblent évoluer comme des souris de laboratoire dont les corps et les états varient au gré des expériences infligées par des puissances omniscientes, aux enjeux cyniques et cliniques. Anxiogène et pervers.
Europe connexion d’Alexandra Badea, mise en scène Matthieu Roy, avec Brice Carrois, Johanna Silberstein, Wei-lien Wang et Shih-chun Wang, en français et mandarin, du 13 janvier au 4 février au Théâtre Ouvert, Paris XVIIIe, du 8 au 10 février à Poitiers, le 14 février à Thouars, du 21 au 25 février à Saint-Quentin-en-Yvelines, les 2 et 3 mars à Pantin, du 16 au 25 mars à Tourcoing
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