Pour son ultime édition des Estivales du Théâtre du Peuple de Bussang, son directeur Vincent Goethals mêle avec brio les genres en misant sur l’humour d’un vaudeville revisité et l’émotion d’une tragédie contemporaine.
Qu’importe d’avoir à se confronter aux caprices d’une météo chagrine, il en faudrait bien plus pour décourager les aficionados qui se pressent en foule aux Estivales de Bussang se donnant depuis plus de cent vingt ans dans l’institution vosgienne. Même si l’on doit s’équiper d’une tenue de randonneur pour se rendre au spectacle et surtout ne pas oublier de se munir de coussins pour adoucir l’assise des bancs, c’est dans un Théâtre du Peuple aux réservations “sold out” que l’on découvre les deux spectacles à l’affiche de la grande salle.
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“Après deux mandats comme directeur, j’ai souhaité inscrire cette dernière saison sous le signe des retrouvailles avec les artistes qui m’ont accompagné dans cette aventure depuis six ans”, précise Vincent Goethals. C’est avec l’équipe musicale avec laquelle il avait monté en 2015 L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht et Kurt Weill qu’il revisite donc La Dame de chez Maxim de Georges Feydeau pour transformer la pièce en une comédie musicale parcourue de chants puisés dans l’œuvre du champion de l’opéra-bouffe à la française, Jacques Offenbach.
Une occasion de réunir sa famille de théâtre
“La générosité et la curiosité du public de Bussang sont sans égal, enchaîne le metteur en scène. Faire le choix du divertissement en proposant un vaudeville relooké façon opérette pour les représentations de l’après-midi ne nous empêche pas d’entraîner les spectateurs à la découverte d’une pièce inédite d’un jeune auteur québécois pour celles du soir.”
Inspirée par les personnages de Britannicus de Jean Racine, En dessous de vos corps, je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas de Steve Gagnon est une autre occasion pour Vincent Goethals de réunir sa famille de théâtre.Les rôles s’y partagent entre les acteurs et les actrices de ses mises en scène de Caillasses de Laurent Gaudé et Small Talk de Carole Fréchette, respectivement montées à Bussang en 2012 et 2014.
Sous la charpente de bois aux allures de coque de navire renversée, le cap est mis vers le rire avec La Dame de chez Maxim… ou presque !
Les festivités théâtrales commencent à quinze heures. Sous la charpente de bois aux allures de coque de navire renversée, le cap est mis vers le rire avec La Dame de chez Maxim… ou presque ! Se jouant d’une amusante mise en abyme, la scénographie reproduit le théâtre en miniature sur le plateau. Ce premier gag visuel a pour but d’offrir une alcôve fermée d’un rideau et une couche digne d’une reine du théâtre populaire à l’héroïne de la pièce de Feydeau.
La Môme Crevette est danseuse au Moulin Rouge. Après une nuit d’ivresse avec un bourgeois en goguette, elle s’est endormie dans le lit matrimonial en l’absence de sa femme. La gouailleuse se transforme en parangon de savoir-vivre capable d’enseigner les bonnes manières à des bourgeoises provinciales. On sait l’avalanche de quiproquos qui va s’ensuivre et comment son fameux “Eh ! allez donc ! c’est pas mon père !” va bientôt passer pour la dernière révérence en vogue pour saluer autrui à Paris.
Une réjouissante plongée dans l’absurde
On est aux anges quand chacune de ses élèves se revendique de son désopilant tic de langage pour le décliner commeil se doit avec force mouvements de jupon jusqu’à l’apothéose de sa conclusion par une grande tape sur les fesses. Multipliant les références à l’univers pictural d’Auguste Renoir, la pièce se déguste de bout en bout comme une réjouissante plongée dans l’absurde. L’autre réussite du spectacle repose sur le travail bluffant accompli par la quinzaine d’amateurs jouant aux côtés des sept acteurs et chanteurs professionnels. Une utopie en actes que le public récompense de ses ovations.
Après cet hommage à un humour digne du surréalisme, place au drame des passions avec le spectacle du soir. C’est dans la pénombre d’un purgatoire noyé de brume que Vincent Goethals nous invite à suivre les protagonistes du huis clos sulfureux proposé par Steve Gagnon. Dans une belle langue québécoise qui s’affranchit des clichés, l’auteur s’ancre avec puissance sur un verbe tellurique pour se libérer de l’indépassable rythmique de son modèle racinien. Un simple appartement a valeur de palais tandis que l’empire d’Agrippine se résume à la possession d’une supérette de quartier. Voilà la légende ramenée aux exigences de sa réécriture au présent.
Incapable de se suffire de l’amour d’Octavie, Néron jalouse son frère Britannicus et n’a de cesse de briser le couple qu’il forme avec Junie. La haine de l’autre aura raison du pur amour. Le bel accueil réservé au spectacle donne raison à Vincent Goethals d’avoir misé sur le grand écart de s’adresser au plus grand nombre tout en prenant le risque d’une dramaturgie contemporaine. Si l’on doit mettre un chiffre sur cette confiance qui s’est établie entre l’artiste et son public, il suffit de se référer à celui d’une fréquentation s’étant accrue de 10 000 places en six ans pour atteindre le record de 35 000 spectateurs par édition.
L’année prochaine, il faudra se rendre aux Fêtes nocturnes du château de Grignan pour découvrir la prochaine création de Vincent Goethals, Noces de sang de Federico García Lorca. Place désormais au metteur en scène Simon Delétang, qui va présider pour trois ans aux destinées des Estivales du Théâtre du Peuple. Patrick Sourd
La Dame de chez Maxim… ou presque ! de Georges Feydeau sur une musique d’Offenbach
En dessous de vos corps, je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas de Steve Gagnon, mises en scène Vincent Goethals
Estivales 2017 jusqu’au 27 août au Théâtre du Peuple, à Bussang, Vosges
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