Proféiforme, marquée par la culture punk, l’œuvre du Londonien explore la mode, la musique et le dessin. Inprégné d’expériences collectives, le discret Londonien s’expose chez Goswell Road, à Paris.
Ses graines ont germé, ses fleurs écloses. L’histoire du punk anglais ne semble plus à faire, tant les images d’Epinal ont colonisé les esprits, où elles vivent désormais leur vie d’images – nimbées d’un lustre éternel, retirées des aléas du monde. Or pour cette raison précisément, il semble temps d’y revenir. Hors de la fascination et de la vénération.
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En se penchant sur les singularités des parcours. En détaillant les nuances des expériences vécues. Dans le fouillis du concret et les imbroglios des individus. Seule manière, certainement, de raviver la portée contestataire enfouie sous ses signes extérieurs de ralliement.
“Richard Torry est un secret d’initié, adulé par une poignée d’inconditionnels dans l’art, la mode et la musique”
D’ailleurs, on y revient, à cette histoire : la génération qui prend de plein fouet le Brexit, se cherche des modèles de dissidence, découvre que son cœur historique, loin d’être éternel, est menacé. L’histoire fait son œuvre et ronge les vestiges matériels de ceux qui, pourtant, rejetaient farouchement toute idée de futur. A l’instar de la dernière demeure de Derek Jarman, réalisateur notamment du cultissime Jubilee (1977), désormais mise en vente et qu’une pétition lancée fin janvier tente de racheter afin d’en préserver le contenu.
D’où l’aubaine que constitue la première exposition consacrée aux archives de Richard Torry en France, organisée à Paris par Goswell Road, l’espace d’exposition géré par les deux artistes Coralie Ruiz et Anthony Stephinson. Richard Torry est un secret d’initié, adulé par une poignée d’inconditionnels dans l’art, la mode et la musique, son parcours croisant ces trois disciplines de manière aussi sinueuse, et inextricable, que les fils d’un tricot – sa singularité s’y situant, d’ailleurs, lui qui redonnera au tricot ses lettres d’antinoblesse.
Né en 1960, il est plus jeune d’environ vingt ans que les Malcolm McLaren, Vivienne Westwood et Derek Jarman, qu’il croisera néanmoins, et qui lui donneront le premier coup de pouce en guise de passage de témoin. Le premier l’introduit auprès de Vivienne Westwood, avec qui il fera ses armes dans la mode avant de monter sa propre marque en 1981, le troisième, croisé au gré de la nuit, devient son proche et le soutient lorsqu’il voudra lancer son label de musique. Protéiforme, Richard Torry est peut-être surtout connu aujourd’hui pour l’aventure Minty, le groupe qu’il forme en 1992 avec Leigh Bowery.
Des mannequins pendus haut et court
A Goswell Road, qui publie également un ouvrage sous la forme d’une compilation d’archives accompagnées d’un entretien fleuve, on retrouve plusieurs des pulls tricotés qui rendirent Torry célèbre de New York au Japon, mais également des sacoches cornues en cuir et des mannequins pendus haut et court de sa main.
Un mur rassemble également, sur fond de coupures de presse détaillant la réception de ses frasques, une série de dessins réalisés selon la technique du cadavre exquis entre 1987 et 1994 avec Leigh Bowery et les individus qui gravitaient alors autour d’eux, tandis que des entretiens audio et clips vidéo viennent recomposer le portrait fragmentaire d’un parcours qui décloisonne les chapelles en reliant David Bowie (il porte ses créations) à Damien Hirst (Minty joue lors de ses fêtes).
D’une certaine manière, Richard Torry, parce qu’il vient après le cœur historique du punk, représente aussi la manière dont on peut, individuellement mais en s’alliant en chemin, composer avec un héritage donné pour en réinjecter l’énergie résiliente dans des formes plus furtives – c’est-à-dire moins facilement assignables, réappropriables, muséifiables.
Richard Torry, If You Want to Visit You’re Welcome But You Will Be Expected to Help with the Work jusqu’au 21 mars, Goswell Road, Paris
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