Que disent les œuvres d’art contemporain ? Chaque lundi, “Les Inrocks” vous propose de découvrir une œuvre actuellement exposée ou repérée sur les réseaux. Cette semaine, focus sur « Figur I,II », une série de Andrzej Steinbach, l’un des nouveaux visages de la photographie européenne. Ses clichés sont actuellement visibles dans l’expo « New Photography » au MoMa de New York.
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Que disent les œuvres d’art contemporain ? Chaque lundi, Les Inrocks vous proposent de découvrir une œuvre actuellement exposée ou repérée sur les réseaux. Cette semaine, focus sur « Figur I,II », une série d’Andrzej Steinbach, l’un des nouveaux visages de la photographie européenne. Ses clichés sont actuellement visibles dans l’expo « New Photography » au MoMa de New York.
Il n’y a vraiment rien de spectaculaire ici. Presque austères, les 184 photographies de la série « Figur I,II » d’Andrzej Steinbach cultivent la simplicité, la bienveillance et l’humilité de photos intimes. Elles donnent ainsi l’impression d’avoir été prises à la volée. Elles ont quelque chose de narratif, d’authentique et d’évanescent à la fois, comme si, ainsi rassemblées, elles se refusaient à véritablement représenter ou fixer leurs sujets.
Il s’agit de deux jeunes femmes. La première a le crâne rasé. La seconde, indifférente à l’objectif, accomplit religieusement des gestes de camouflage, se recouvrant le visage de tissus divers. Ces deux filles ne sont pas dans une position de force, mais s’offrent au photographe et ouvrent un espace qui accueille leur fragilité.
Au delà de leur simplicité salvatrice, ces photos ne manquent pas d’évoquer des photos de mode. Les deux jeunes femmes sont à l’évidence en prise avec l’air du temps. Elles pourraient être mannequins. Atypiques, androgynes et résolument cool, elles incarneraient alors cette génération urbaine et post-genre, sortant du placard ses Doc Martens et s’affublant de vêtements militaires ou sportwear, noirs évidemment. Comme pour signifier, à travers son apparence, une posture défensive vis à vis du pouvoir, exprimer sa révolte au monde, son attente ou encore pour prévenir qu’elle se prépare minutieusement- non pas pour le Grand Soir – mais pour une insurrection à venir, pernicieuse et anonyme. Les photos d’Andrzej Steinbach seraient-elles annonciatrices ?
La spéculation pourrait continuer. Et c’est peut-être un des enjeux de cette série. Elle nous laisse face à ses ambiguïtés, s’articulant bien autour de deux apparences – plutôt que deux individus- car, comme son nom l’indique, il s’agit ici de deux Figur, deux enveloppes corporelles en transit. L’occasion peut-être de suggérer que nous ne pouvons faire l’impasse sur notre apparence, qu’elle est un véhicule du changement et une force de résistance face à la normalisation des corps et des esprits. Alors floutons, diffractons, diversifions la et avançons masqués.
Un des aspects les plus importants dans la pratique de l’artiste : « c’est l’amour de la forme, muté en arme ». Derrière sa violence latente, la série semble ainsi se construire sur des valeurs de sensibilité, sobriété et vulnérabilité. Telles seraient ses armes.
Crédits : Figur 1, Figur II, Andrzej Steinbach. Courtesy: Andrzej Steinbach, Conradi, ASPN
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