Avec LOVETRAIN2020 et sa matière chorégraphique puisée dans le répertoire du duo synthpop britannique, le chorégraphe israélien s’apprête à électriser le festival Montpellier Danse.
Lancé à toute allure début janvier, ce TGV (Transe à Grande Vitesse) a pourtant dû ralentir la cadence, pandémie oblige. On imagine sans mal Emanuel Gat, son chorégraphe, trépigner en attendant la reprise des “hostilités” chorégraphiques.
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“Nous avons, par deux fois, repoussé le retour dans le studio de répétitions. Et perdu deux interprètes israéliens qui ne pouvaient plus sortir du pays ! J’espère les retrouver pour la suite de la tournée.” LOVETRAIN2020, pièce de groupe et sur le groupe, ne pouvait en rester là. Depuis, la compagnie s’est rassemblée autour de ce projet commun essayant de rattraper le retard.
“Je travaille la matière. Ces moments de replis n’ont pas enrichi ma réflexion. Il fallait autant penser à la reprise qu’aux solutions financières pour les danseurs, dont certains ne sont pas couverts par le système français.” Face à nous, Emanuel Gat est néanmoins étonnamment serein à quelques jours de la première au festival Montpellier Danse.
On devine alors que sa pièce est quasiment finie. Il nous interrompt : “C’est souvent dans les quinze derniers jours que tout change ! Cela a été le cas pour Sunny : entre Venise et Montpellier, j’ai repensé toute la fin.”
Comédie musicale contemporaine
Pour Emanuel Gat, tout semble être allé très vite. Il a commencé à chorégraphier à l’âge de 23 ans. En 2007, il fait le choix de quitter Israël et s’installe en Europe. On peut y voir un acte politique d’une certaine manière, surtout vis-à-vis d’un pays qui n’hésite pas à mettre en avant ses artistes, qu’il·elles soient de la danse, du cinéma ou de la littérature.
Soutenu en France par certaines des plus importantes institutions chorégraphiques, Gat ne cesse d’étonner par sa palette gestuelle. D’un Sacre aux accents latinos à Story Water d’une rigueur assumée, le chorégraphe varie les tempos comme les mouvements.
LOVETRAIN2020, nouveau virage contrôlé, pourrait se définir comme une comédie musicale contemporaine. A condition d’élargir l’horizon d’un genre, le musical, un rien bouché. “Prenez ce terme de musical au quatrième ou cinquième degré. Mais on retrouve la dynamique propre à ce genre avec des pics d’intensité constants. Après le premier filage, j’étais presque saturé par toute cette matière chorégraphique et musicale.”
Musicien lui-même avant d’être chorégraphe, Emanuel Gat a frayé avec le compositeur Awir Leon ou les partitions de… Pierre Boulez. “Croyez-moi, c’est beaucoup plus facile de créer des mouvements sur Bach ou Boulez.” Il a cette fois-ci puisé dans le répertoire de Tears For Fears matière à danser. “Je n’achetais pas leurs disques à l’époque mais je les entendais partout. Comme la bande-son de ma jeunesse. Un jour, une des chansons du groupe est arrivée à mes oreilles, dans mon casque. Je savais que je devais y aller.”
“Ne surtout pas illustrer la musique”
Au final, il y a dans LOVETRAIN2020 une dizaine de chansons, 55 minutes “où il ne faut surtout pas illustrer la musique”. Pour la première fois depuis Sacre, Gat a invité les danseur·euses à compter les temps, loin de sa méthode habituelle de travail. Il sait qu’il peut faire avec des artistes en scène qu’il connaît sur le bout des doigts – certain·es depuis onze ans. “Là où j’avais besoin d’une semaine pour peaufiner un geste, je peux désormais y consacrer deux heures. Les propositions de la compagnie, c’est 10 % de l’œuvre.”
Emanuel Gat apprécie de responsabiliser ses danseur·euses. Il a engagé une jeune interprète de 21 ans venue du Conservatoire de Paris. “A côté de mes ‘vieux’ monstres, cela crée un déséquilibre. Mais les uns et les autres se mettent ainsi en relief.”
Comme nombre de chorégraphes, Emanuel Gat a été privé de public durant une partie de l’année. On lui demande alors ce qu’il attend de ses retrouvailles à Montpellier. “En général, la pression est sur nous, les créateurs. D’une certaine façon, en me demandant ce que j’attends du public, les rôles sont inversés.”
Il avoue ne pas savoir quoi penser, désarçonné par notre question. La réponse est peut-être dans Sowing the Seeds of Love, de Tears For Fears. On entend ces paroles : “I spy tears in their eyes. They look to the skies for some kind of divine intervention. » Une divine intervention chorégraphique, en quelque sorte.
LOVETRAIN2020 du 3 au 6 octobre, Opéra Comédie, dans le cadre de Montpellier Danse. Les 13 et 14 janvier 2021, Cité musicale-Metz. Du 31 mars au 8 avril 2021, Chaillot-Théâtre national de la danse, Paris
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