Présenté en ce moment à Paris, « Einstein on the Beach » n’a rien perdu de sa capacité de fascination trente-huit ans après sa création en 1976 au Festival d’Avignon. Visible en live sur Culture Box.
Il y a deux ans l’Opéra de Montpellier dirigé par Jean-Paul Scarpitta était la seule scène française à accueillir la reprise mondiale d’Einstein on the Beach programmée pour le soixante-dixième anniversaire de Robert Wilson, le théâtre du Châtelet ayant à l’époque déclaré forfait. L’actuelle production présentée – enfin – au Théâtre du Châtelet se joue à guichets fermés.
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Un voyage dans le temps
A plusieurs égards Einstein on the Beach est un voyage dans le temps. Par son aspect formel déjà qui s’inscrit dans l’esthétique des années 1970. Mais plus encore par l’immersion dans une durée hypnotique qui fait de ce spectacle de quatre heures et demie une expérience en soi. Mêlant théâtre, danse et musique, Einstein on the Beach éblouit par sa plasticité. Pas de scènes à proprement parler, pas de narration, mais des moments qui se déploient sous la forme d’un long poème évoluant de façon quasi imperceptible et en même temps extrêmement prenante.
La musique de Philip Glas élabore des motifs rythmiques à partir desquels est générée la mélodie dont les variations d’intensités interagissent avec les mouvements répétitifs des acteurs et des danseurs sur le plateau. Au fond, ce que Robert Wilson, Philip Glass et Lucinda Childs ont composé ensemble évoque une formidable machine à façonner du rêve. Une capsule spatio-temporelle traversée de visions récurrentes assise sur une structure d’ensemble régie par des combinatoires rigoureusement établies. Les textes, en dehors de ceux de Christopher Knowles – fils adoptif de Robert Wilson –, consistent en des répétitions de nombres ou de syllabes tirées du solfège.
Einstein au violon
Débutée avec l’apparition nocturne d’un train du XIXe siècle, l’œuvre se conclut sur celle d’un vaisseau spatial. Entre temps d’autres visions non moins étranges irriguent le spectacle. Un procès, une prison, un lit, un immeuble surgis comme dans un rêve. Les violonistes sont grimés en Einstein avec un soliste qui de temps à autre se détache de l’ensemble pour jouer seul au milieu de la scène.
Le rôle du chœur est particulièrement prégnant, la modulation des voix atteignant parfois une intensité ensorcelante. Mais le plus étonnant peut-être est la façon dont, loin d’être envahissant, l’effet hypnotique se double d’une agréable capacité à naviguer à l’intérieur de ce qui s’offre au regard dans un mouvement infiniment identique et en même temps toujours différent. Comme si l’on façonnait soi-même sa propre version de ce spectacle aussi génial qu’inépuisable.
Einstein on the Beach, de Robert Wilson et Philip Glass, chorégraphie Lucinda Childs, du 7 au 12 janvier au Théâtre du Châtelet, Paris (75). Festival d’Automne. Une captation réalisée par Don Kent est visible en direct sur Culture Box
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