Entre théâtre et danse, panorama sélectif d’une immersion dans le Festival d’Avignon 2024. Du côté du in émerge en particulier “Avignon, une école”, galvanisante nouvelle création de Fanny de Chaillé.
Dans le prolongement direct de la pièce précédente de Fanny de Chaillé (Une autre histoire du théâtre), Avignon, une école propose une traversée en éclats de l’histoire du Festival d’Avignon, menée ici en plein air, au magnifique Cloître des Célestins. S’y mêlent extraits de spectacles emblématiques (en commençant par Einstein On The Beach) événements marquants (par exemple l’annulation de l’édition 2003 due à la grève des intermittent·es), extraits d’interviews ou encore un vrai-faux débat de l’émission de radio Le Masque et la Plume. Le tout est (re)joué sur scène, à cœurs battants, par quinze élèves de La Manufacture – Haute école des arts de la scène de Lausanne.
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Remarquables d’intensité, ils et elles expriment aussi leurs points de vue sur la pièce et le théâtre en général via des interludes dialectiques aussi vigoureux que savoureux. Haletante, la pièce restitue très bien l’effervescence propre au Festival d’Avignon, met en exergue les principaux chocs esthétiques qui ont jalonné son histoire et s’achève – en évoquant Carte noire nommée désir de Rebecca Chaillon, présentée en 2023 – avec une virulente prise de position anti-raciste, à la résonance politique particulièrement forte dans la France ô combien divisée de cet été 2024…
Douce dinguerie
Dans la jungle toujours aussi foisonnante du off, plusieurs spectacles se détachent. Citons d’abord Une pièce sous influence de la compagnie La Cohue, hommage décalé au cinéma vibrant de John Cassavetes à travers l’histoire de deux couples dont les destins se croisent et se bousculent le temps d’une (longue) soirée. Nimbé de douce dinguerie et innervé de noire mélancolie, le résultat s’avère drôle, touchant, incisif et remuant. À l’image du texte, les quatre interprètes sont d’une grande justesse – mention spéciale à Sophie Lebrun dont le jeu et le personnage font irrésistiblement penser à Gena Rowlands, notamment (of course) dans Une femme sous influence.
La compagnie HKC aborde, quant à elle, la question du genre avec Promesse, nouvelle création – réalisée avec la participation de la chorégraphe Tânia Carvalho – oscillant librement du théâtre à la danse comme de la gravité à la légèreté. Tout du long, les cinq épatantes interprètes féminines – rejointes au plateau par l’autrice du texte (Anne Rehbinder) puis le metteur en scène (Antoine Colnot) – s’attachent à (dé)construire la pièce et à faire bouger les lignes de manière extrêmement dynamique.
Autre marquante pièce hybride entre danse et théâtre, Tendre Carcasse d’Arthur Pérole rassemble deux danseurs et deux danseuses, dans la vingtaine, qui évoquent leur rapport au corps et à l’identité. S’exprimant en mots autant qu’en mouvements, glissant vers une forme d’euphorie fusionnelle, cette petite communauté porte au plateau une facétieuse singularité, de plus en plus débridée au fur et à mesure de la représentation.
Expérience envoûtante
Présentée au sein de la sélection suisse en Avignon, OUVERTURE – pièce pour danseur·euse·x·s et public cheminant de Géraldine Chollet se situe plus distinctement dans le champ de la danse, comme son titre l’indique. S’inscrivant ici de nuit dans le cadre magique du jardin du grand cloître, à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, la pièce amène le public et les quatre interprètes à effectuer ensemble une lente marche circulaire, sous un dispositif lumineux, avec l’accompagnement lancinant d’une musique live – principalement de sourdes pulsations électroniques. Par moments, les interprètes s’extraient du groupe et dessinent des figures chorégraphiques au centre de la ronde. Ouverte sur l’autre et la nature environnante, une expérience totalement envoûtante, comme en apesanteur, à laquelle vient in fine s’ajouter, en arrière-plan, une touche d’étrangeté.
Festival d’Avignon, jusqu’au 21 juillet.
Une pièce sous influence, au Théâtre 11 jusqu’au 21 juillet.
Promesse, au Théâtre 11 jusqu’au 21 juillet.
OUVERTURE – pièce pour danseur·euse·x·s et public cheminant à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, jusqu’au 17 juillet.
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