L’écrivain et dramaturge Michel Vinaver est mort dimanche 1er mai à l’âge de 95 ans.
Michel Vinaver s’est éteint le 1er mai, jour de la fête du travail. Un comble pour celui qui décortiqua les mécanismes du capitalisme dans toute son œuvre théâtrale, avec l’œil aguerri de celui qui savait de quoi il parlait, ayant travaillé comme cadre puis PDG de Villette France pendant trente ans, de 1953 à 1982.
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À l’instar d’un Primo Levi, poursuivre sa carrière dans l’industrie toute sa vie aura été le gage de son indépendance en tant qu’auteur de romans et d’essais, dramaturge d’une vingtaine de pièces de théâtre, montées par plusieurs générations de metteurs en scène, de Roger Planchon à Antoine Vitez ou Alain Françon, mais aussi traducteur (de Botho Strauss, Tourgueniev, Gorki, Shakespeare…).
Une entrée en écriture qui doit beaucoup à sa rencontre avec Albert Camus, qui publia ses deux premiers romans, Lataume en 1950 et L’Objecteur l’année suivante chez Gallimard. Son analyse de l’influence des rouages économiques sur le comportement humain et le réel qu’ils fabriquent s’allie toujours chez lui avec un regard politique acéré prenant le monde entier à témoin, des Coréens en 1955 à 11 septembre 2001/September 11, 2001, écrit dans la foulée de l’attentat du World Trade Center, traduit et publié en français et en anglais.
Une dernière pièce brillante
Sa dernière pièce, publiée en 2014, Bettencourt Boulevard ou une histoire de France, démontre avec maestria comment le théâtre a le don de rebondir sur les vilenies de son époque pour en faire son miel et aiguiser l’esprit critique. Des velléités d’une vieille dame à n’en faire qu’à sa tête à son recadrage par ses proches décidés à en appeler à la loi pour faire le ménage dans l’aréopage de ses courtisans, la pièce de Michel Vinaver rappelle les grands épisodes de la descente aux enfers qui fit passer la richissime Liliane Bettencourt des pages people à celles des faits divers pour finir dans la chronique judiciaire.
La pièce fut mise en scène par Christian Schiaretti en 2016. À cette occasion, nous avions demandé à Michel Vinaver le sens de l’ultime réplique de sa pièce : “Qu’est-ce que le théâtre vient faire dans cette histoire ?” “C’est tout simplement de l’ironie, une façon pour moi de souligner l’inanité de continuer à vouloir écrire des pièces dans le cadre de la société où nous vivons, avait-il répondu. Avec cette réplique, je fais entendre ma voix pour m’exclamer et m’esclaffer. Une manière de dire… ‘Voilà, j’ai fini par écrire cette pièce et qu’est-ce qui va se passer maintenant ?’ Je ne relie pas cette exclamation à l’espoir de croire que quelque chose pourrait bouger à partir de ce travail. En même temps, il y a quand même, tapi dans l’ombre de ces mots, l’espoir que ce pessimisme pourrait être déjoué.”
Sinon, à quoi bon le théâtre et son insolente longévité ?
Interview de Michel Vinaver pour Les Inrockuptibles, 9 janvier 2016.
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