[Christophe Miossec rédacteur en ched] Dix ans après l’interdiction de ce médicament toxique dont le scandale fut révélé par la pneumologue Irène Frachon, Marc Dantan a photographié cinquante-deux des victimes. Des témoignages vivants bientôt réunis sur le net, dans un livre et une expo sous le titre La France du Mediator.
Elles sont souvent longues et fines. il y a parfois encore les agrafes. Elles se situent en tout cas toujours vers la poitrine, là, près du cœur. L’ensemble de ces cicatrices est immortalisé et couché sur du papier glacé noir et blanc. Pendant plus d’un an, le photographe Marc Dantan a parcouru les routes de France pour aller à la rencontre des victimes du Mediator, celles qui ont subi des opérations à cœur ouvert.
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Beaucoup sont des femmes. Toutes et tous ont ingéré du Mediator entre 1976 et 2009 (date de son retrait en France) afin de perdre un peu de poids après la ménopause ou de réduire leur diabète. Commercialisé par le laboratoire Servier, il n’était nulle part mentionné qu’il contenait un principe actif très toxique, le benfluorex, causant de graves atteintes cardiaques et pulmonaires. C’est grâce à la pneumologue brestoise Irène Frachon et à son travail d’enquête minutieux que le scandale a été révélé.
Ce projet a commencé il y a un peu moins de deux ans. Marc Dantan sort secoué du cinéma, il vient de voir La Fille de Brest d’Emmanuelle Bercot, adaptation du livre Mediator 150 mg, combien de morts ? d’Irène Frachon, sorti en 2010 et à l’origine du scandale. “J’ai eu comme un déclic : que faire de ma colère ?”, se souvient le photographe.
Cinquante-deux cicatrices ont accepté de poser pur le photographe
Il contacte alors la pneumologue et lui soumet son idée. “J’ai presque une obsession mémorielle”, nous explique la pneumologue, qui a tout de suite été partante. Très vite, elle répertorie certains patients qu’elle a rencontrés, d’autres ne sont encore que des dossiers médicaux dont elle ne connaît queles noms. “On a beaucoup entendu parler de l’affaire du Mediator mais, bien souvent, on ne connaît pas le visage de ses victimes”, insiste Marc Dantan.
Ces cinquante-deux visages, ces cinquante-deux cicatrices ont accepté de poser devant l’appareil du photographe. L’un d’entre eux a depuis perdu la vie. Tous viennent de différents milieux, de différentes régions, mais ont à peu près le même âge. Ces marques sur leur peau sont les stigmates de leur empoisonnement.
Ces clichés, ce sont leurs témoignages, pour que l’on n’oublie pas ce qui s’est passé. Pour Irène Frachon, “ils constituent une sorte de génération”. D’où le titre : La France du Mediator, une série de photos qui nous rappelle le mensonge et les blessures. “Aujourd’hui, ce sont essentiellement les artistes qui ont rendu leur dignité aux victimes”, martèle la pneumologue.
Le procès du Mediator doit se tenir en 2019, plus de dix après l’interdiction du médicament en France. De son côté, le projet de Marc Dantan prendra prochainement la forme d’un site internet, d’une exposition et d’un livre. Un beau moyen de redonner corps à ces gens malades qui continuent de se battre.
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