Le collectif Ivan Mosjoukine bouscule les habitudes du cirque contemporain.
Rares sont les spectacles qui vous donnent immédiatement envie d’y repiquer : De nos jours, du collectif Ivan Mosjoukine, est de ceux-là. Espèce à protéger s’il en est. Il n’est pas question pour autant de théâtre permanent – quoique – mais d’un improbable accouplement entre le cinématographe et le nouveau cirque.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ces enfants de la balle (au bond) ont l’allure des héros de la Nouvelle Vague – et les noms qui vont avec : Erwan Ha Kyoon Larcher, Vimala Pons, Tsirihaka Harrivel et Maroussia Diaz Verbèke. D’ailleurs, le cinéma, ils s’en réclament. Mais pourraient tout autant être des petits-enfants de Pina Bausch, des cousins d’Alain Platel.
En quatre-vingts notes, Ivan Mosjoukine s’applique à déconstruire ce rêve de chapiteau : tout est à vue. Les accessoires une fois utilisés s’entassent en devant de scène, on vole les sacs à main, on trimballe un juke-box, on invente l’escalier perpétuel. Vous voulez des numéros de funambule, de lanceur de couteaux, de magicien, d’équilibriste, il y a tout cela dans De nos jours, sous-titré “Notes on the Circus”.
On devine que la bande des quatre, passée par différentes écoles de cirque, a évacué cette question du moderne. L’histoire se démultiplie et raconte des vies plutôt que des légendes. Même si d’une certaine façon ils sont en train d’écrire la leur. Celle d’un collectif sans chef, qui met la parole au centre du dispositif et la confisque aussi vite qu’il la donne.
La liberté est revendiquée haut et fort, y compris celle de rater le numéro, le reprendre ou l’évacuer. Après tout, ce n’est qu’une erreur de jeunesse. Un peu comme un premier amour qui se voudrait éternel et ne dure que le temps d’un baiser. Un conteur – ”non, vous n’êtes pas à Pôle Emploi”, commente la bande-son – fait le va-et-vient entre la “Note sur l’empire invisible” et la “Note sur le dérapage” qui, selon Ivan Mosjoukine, est incontrôlable. Ils ont apprivoisé l’art du montage, des plus cut, mais également celui de l’échantillonnage volé aux DJ.
A un moment, crucial, Nina Simone lâche Ain’t Got No où elle énumère tout ce qu’elle n’a pas. Et finit par ses possessions : un cœur, des mains, un corps. Il n’en faut pas plus à cette troupe dont l’insolence est viscérale. Ivan Mosjoukine fut un acteur muet, star en Russie puis en France où il participa aux Films de l’Albatros. Parti à Los Angeles, il subit une opération de chirurgie esthétique et perd la mobilité des traits de son visage. Il avait signé son acte de décès cinématographique. A leur façon, impolie et talentueuse, les Ivan Mosjoukine lui rendent le sourire. Et à nous aussi.
Philippe Noisette
De nos jours par Ivan Mosjoukine, Au Monfort Paris du 17 décembre au 4 janvier (01 56 08 33 88) puis au Cenquatre Paris du 22 janvier au 8 février (01 53 35 50 00)
{"type":"Banniere-Basse"}