La Grande Halle de la Villette, à Paris, accueille De Living (Le Salon), nouvelle création du jeune et audacieux metteur en scène allemand Ersan Mondtag. Il met ici en place un dispositif remarquable pour évoquer la dernière heure de la vie d’une jeune femme, incarnée par des sœurs jumelles, évoluant chacune de son côté dans le même décor.
Créée début mai à Bruxelles, dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts, De Living (Le Salon) est la dernière pièce en date d’Ersan Mondtag, le nouvel enfant terrible du théâtre allemand. Né en 1987 à Berlin, où il vit toujours aujourd’hui, le jeune metteur en scène – dont le nom véritable est Ersan Aygün – s’est aguerri notamment auprès de Frank Castorf et Claus Peymann avant d’intégrer l’école Otto Falckenberg à Munich. A l’issue de ses études, il a réalisé à Munich diverses créations interdisciplinaires au sein d’un collectif, certaines de très longue durée, par exemple une performance de neuf jours présentée à la Pinakothek der Moderne.
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Ses premières mises en scène pour le théâtre attirent rapidement l’attention sur lui, en particulier Tyrannis (2015). Marquée par une scénographie haute en couleurs, la pièce est centrée sur une famille ordinaire dont le train-train quotidien déraille suite à l’irruption soudaine d’une femme noire. Créateur polyvalent, Ersan Mondtag en signe à la fois l’histoire, les décors, les costumes et la mise en scène.
Un théâtre à forte résonance politique
Tyrannis se retrouve en 2016 au Berliner Theatertreffen (festival proposant une sélection de pièces germanophones récentes, choisies par un jury de critiques) et vaut à Mondtag d’être élu “jeune metteur en scène de l’année” par le magazine spécialisé Theater Heute. Travaillant à partir de classiques aussi bien que de textes contemporains, ou parfois aussi sans texte, il élabore des pièces oscillant entre théâtre et arts visuels, à forte résonance politique. Il intervient parfois aussi dans le champ de l’art contemporain, comme avec la récente exposition I AM A PROBLEM, dont il a assuré la conception.
Première coproduction internationale d’Ersan Mondtag, De Living (Le Salon) nous invite à suivre la dernière heure dans la vie d’une jeune femme, qui rentre chez elle et se suicide dans son salon. Qu’est-ce qui la pousse à cette extrémité fatale ? Que fait-elle juste avant d’en arriver là ? Pouvons-nous comprendre son geste et l’accepter ? L’issue est-elle vraiment inexorable ? Pour mettre en scène cette tragédie moderne, Mondtag imagine un dispositif particulièrement original, qui donne à voir deux femmes identiques dans deux salons identiques, leur vie étant observée en marche avant et en marche arrière.
Deux interprètes éclatantes
Ces deux femmes en miroir sont incarnées par Doris et Nathalie Bokongo Nkumu, des sœurs jumelles belges d’origine congolaise, plus connues en Belgique sous leur nom de scène commun, Les Mybalés. Ensemble, elles portent un langage chorégraphique hybride alliant des éléments de hip-hop (leur premier amour), de danse africaine et de danse contemporaine. D’abord remarquées lors de battles et de performances dans des gares, elles se produisent également sur scène et, après avoir participé à plusieurs spectacles, viennent de créer (en février) A travers l’autre, pièce dont elles sont à la fois les chorégraphes et les interprètes.
Dans De Living (Le Salon), elles déploient un jeu tout en puissance contenue et, conférant une humanité vibrante à leur(s) personnage(s), alimentent subtilement le trouble (méta) physique entretenu de manière remarquable par la pièce, du début jusqu’à la fin. Au-delà du destin individuel d’une femme, ce trouble révèle un malaise plus général dans le monde actuel, auquel Ersan Mondtag tend un miroir sans complaisance.
De Living (Le Salon), du 4 au 6 juin, Grande Halle de La Villette, Paris XIXe
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