Sur fond de conflit israélo-palestinien, David Geselson déroule le fil politique et vibrant de l’histoire de la disparition de l’homme de Neandertal.
Au commencement, il y avait le feu. Ici, une minuscule flamme, celle d’un briquet, à l’oscillation bientôt rythmée par une partition de Gustav Mahler. À peine de quoi distinguer les visages de Rosa et Lüdo lors de leur rencontre dans un sous-sol, en 1986, au moment de l’explosion de la centrale nucléaire de Chernobyl. Iels sont scientifiques, tout comme Luca et Adèle. Une équipe de chercheur·euses, à la fois ami·es et amant·es, qui traverse les frontières pour mettre à jour une clé de compréhension du passé : l’ADN de Neandertal. Entrée dans la cour des grands pour celui qui donnait la réplique à Isabelle Huppert dans La Cerisaie en 2021, sous la direction de Tiago Rodrigues. David Geselson n’en démord pas avec les récits biographiques. Après Doreen (2016) et Le Silence et la peur (2020), hommage à Nina Simone, le directeur de la compagnie Lieux-Dits s’est donné un défi pour le moins ambitieux ; conter la disparition de Neandertal. Comédien, dramaturge et metteur en scène, David Geselson s’est plongé dans les travaux de Svante Pääbo, Prix Nobel 2022 de médecine, qui a consacré près de vingt-cinq années de sa vie à décrypter le génome de cet ancêtre commun. Le résultat est réjouissant, une mosaïque intime et politique à travers les continents, entre passé, présent et futur.
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Une quête aussi biologique qu’identitaire
David Geselson livre une partition-chorale brûlante qui nous transporte de Jérusalem à la Serbie en passant par l’Ukraine. Neandertal, à travers ses personnages habités par leurs peurs et idéaux, se cogne aux enjeux éminemment politiques de la quête des origines. Qui était ce premier homme ? Où était sa terre ? Dans une époque aux fractures multiples, les versions de la Genèse entrent en confrontation. À travers la projection d’archives filmées du conflit israélo-palestinien, cette tentative presque mégalomane de réécriture de l’histoire prend un tout autre sens. Un anachronisme souvent dangereux, qui se révèle dans cette expérience immersive comme le cœur battant de passions dévastatrices. Récit polycéphale vibrant, porté par les graves du violoncelle, Neandertal tisse la toile d’une histoire des dominations imprimées dans la peau de chacun·e. David Geselson dépoussière l’Histoire et délimite les contours d’une disparition de notre cousin faisant intimement écho à celle qui nous pend au nez.
Neandertal, une création du Festival d’Avignon 2023, écrit et mis en scène par David Geselson. Du 6 au 12 juillet à 15 heures, l’Autre Scène du Grand Avignon, à Vedène. Avec David Geselson, Adeline Guillot, Marina Keltchewsky, Laure Mathis, Elios Noël, Dirk Roofthooft et Jérémie Arcache (violoncelle), Marine Dillard (dessins), en français surtitré en anglais. Julia Vidal
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