A Brest, une semaine durant, nous avons pris le pouls de la danse. Verdict : en belle forme.
La savoureuse conférence de David Wahl, Histoire spirituelle de la danse, donnée chaque jour à l’heure du déjeuner au Quartz, avait alerté le patient qui sommeille en chaque spectateur. Le corps du danseur est aussi et surtout celui d’un mortel. Et l’acteur de nous plonger avec délice (ou horreur, c’est selon) dans un précipité de mémoire du temps où la danse était vue comme une sorcellerie. Et de divaguer jusqu’au paradis « où l’on trouve les chorégraphies les plus excellentes« , celles des anges. Un en-cas idéal.
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Digérer les gestuelles historiques
Le tandem formé par Marcela Santander Corvalan et Volmir Cordeiro avait brassé l’histoire du mouvement, traversant un siècle de danse ou presque et convoquant des figures héroïques, comme celle de Valeska Gert et sa danse grotesque ou Yoko Ashikawa, principale collaboratrice de Tatsumi Hijikata, le fondateur du butô. L’idée d’Epoque n’est pas tant de reproduire ces gestuelles historiques, mais de les digérer. Et en proposer une lecture actuelle. Corps frappés, que ce soit les pieds au sol ou les bras tournoyant, burlesque dévoyé ou simplement des marches. Epoque, qui se termine par une vision sublime celle des créatures de Dzi Croquettes, gagnerait à être resserrée pour gagner en force.
Dans la foulée, Aurélien Richard proposait une Revue Macabre qui, elle aussi, interroge l’histoire. Sa volonté de revisiter la revue du début du XXe siècle est louable, le résultat moins probant. Une distribution plutôt empruntée, une scénographie sans grâce. Est-ce de la prétention ou de la maladresse ? De plus, Aurélien Richard, excellent musicien se place en retrait. Il est pourtant la principale attraction de cette Revue Macabre.
Un processus chorégraphique ouvert
Quant à Loïc Touzé, il avait dans l »esprit de déjouer le piège de la Fanfare. Ici, c’est un groupe restreint qui s’essaye à des appuis – et que je te monte sur le corps ou que je te renverse… – sans jamais élever la voix. Seule une interprète évoque des sons que l’on n’entendra pas vraiment, condamnant ce chœur au silence. Mais pas à l’inaction. Lorsque des « spectateurs » quittent les rangs pour gagner la scène, prenant la place des danseurs, l’effet est saisissant. On se retrouve dans un processus chorégraphique ouvert qui semble échapper à son auteur. Une jolie manière de vivre le collectif de la danse.
Enfin, DansFabrik avait tendu ses antennes jusqu’au Brésil et sa jeune scène, invitant deux solitaires Eduardo Fukushima et Michelle Moura. Le premier, corps ramassé, culotte haute, arpente la salle toute en longueur de La Méridienne sur des nappes de musique électronique. Boxeur-danseur qui lance ses poings dans le vide, oscille entre le flamenco et le butô, Fukushima se dévoile dans ce fascinant auto-portait. Michelle Moura, elle, opte pour un travail sur le corps et la voix qui laisse la soliste hors d’haleine. Quasi animale, sa danse est rugueuse et sensuelle à la fois. Moura finit par lécher ses tatouages éphémères à l’encre. Sur le tapis blanc, il ne restera qu’une trace d’elle. Puissant.
Festival DansFarik Quartz de Brest jusqu’au 28 février (www.lequartz.com )
Revue Macabre, d’Aurélien Richard, CND Pantin du 11 au 13 mars
Epoque, de Marcela Santander Corvalan et Volmir Cordeiro, les 24 et 25 avril à Etrange Cargo, Ménagerie de Verre, Paris
Fanfare, de Loïc Touzé en juin au festival June Events, Paris
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