Entre film catastrophe, Jules Verne et Lost, une pièce où les rescapés d’un crash aérien jouent aux robinsons.
En guise de prologue, on commence par visionner un petit film cocasse où les protagonistes de Crash Park, la vie d’une île s’installent à bord de la carlingue d’un avion qui s’apprête à décoller. Quand le noir se fait dans la salle, Philippe Quesne ne résiste pas au désir de changer de focale pour nous offrir des images que seules les productions hollywoodiennes à gros budget peuvent se payer.
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Voilà donc un avion qui navigue dans la nuit entre les rangs du public. Portée à bout de bras par les comédiens armés de lampes de poche, la maquette du long-courrier aux ailes clignotantes traverse ainsi à plusieurs reprises la salle tandis qu’une machine à fumée produit la mer de nuages qu’il est censé rencontrer sur sa trajectoire.
S’accordant au grandiose kitsch de cette chorégraphie aérienne, les touches d’un piano mécanique placé à l’avant-scène s’excitent à parcourir les partitions d’un medley réunissant Debussy, Chopin et Schubert. Volontairement grandiloquente, cette entrée en matière inquiète d’autant plus qu’elle démontre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un pianiste sous la main pour se noyer dans la musique.
Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Reste à savoir s’il y a encore un pilote dans l’avion ? On tient notre réponse dès que les lumières se rallument en découvrant, à quelques mètres d’une île volcanique, un morceau de carlingue qui surnage au milieu d’une mer où pointent des récifs.
Dans la pure tradition des films catastrophes, Philippe Quesne lance ses personnages à la conquête d’un milieu hostile. L’occasion pour lui de décliner quelques-unes des scènes qui font la renommée du genre, du sauvetage des rescapés à l’épique traversée d’un lagon. Qu’ils dansent habillés de feuilles de palmier ou qu’ils prennent place au comptoir d’un open bar improvisé pour une soirée techno tandis qu’un canon à mousse transforme la baie en un vaste dance-floor, nos survivants n’ont pas besoin de prétextes pour faire la fête.
Cultivant des énigmes dignes de la série Lost et se rappelant avec humour de ses lectures de Jules Verne pour mettre en scène un combat avec un poulpe géant, Philippe Quesne se passe pratiquement des mots pour construire sa dramaturgie.
https://www.youtube.com/watch?v=YvBEpAIvQlA
Avec poésie, son spectacle explore l’imaginaire musical en devenant la précieuse chambre d’écho d’une playlist particulièrement éclectique. D’une perle rare de la variété italienne qui évoque Federico Fellini à Jeanne Moreau chantant Notre île, ton île, mon île, il peut aussi puiser dans l’épouvante avec la BO du film Cannibal Holocaust et le dégoulinant Crucified Woman de Riz Ortolani.
Comment résister à la folie d’une telle robinsonnade, ? On renoue avec les réflexes de l’enfance, on trépigne de plaisir en rêvant de franchir les quelques mètres qui nous séparent de la scène pour patauger avec eux dans ce pédiluve où tout paraît enfin possible. Patrick Sourd
Crash Park, la vie d’une île conception, mise en scène et scénographie Philippe Quesne, avec Isabelle Angotti, Jean-Charles Dumay.Jusqu’au 9 décembre, Théâtre Nanterre-Amandiers ; en tournée en Europe jusqu’en juin 2019
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