Le spectacle d’Alain Platel qui a fait vibrer Avignon et toute l’Europe au son de la musique baroque et de la rumba congolaise est à Chaillot jusqu’au 5 décembre.
Le hasard fait bien les choses. A 20 mètres de la cour du lycée Saint-Joseph où avait lieu la dernière de Coup fatal d’Alain Platel, on croise un ami, Serge Amisi, installé devant la petite salle de la Chapelle du Verbe incarné où il joue dans L’Enfant de demain, mis en scène par Arnaud Churin. Un spectacle inspiré par le livre de Serge Amisi où il raconte ses six années de guerre en République démocratique du Congo, enrôlé de force comme enfant-soldat dans les années 90.
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De ces guerres qui ont ravagé la RDC et continuent de le faire, le décor de Coup fatal porte la trace sous la forme de ces rideaux de douilles de munition dorées derrière lesquels chanteurs et musiciens se placent et se figent, se déplacent, ondulent et dansent avec une énergie dévastatrice qui ne faiblit jamais. Coup fatal s’origine dans une rencontre : celle du compositeur Fabrizio Cassol et du contre-ténor Serge Kakudji à Kinshasa en 2008.
Le contre-ténor et les sapeurs
On avait découvert sa voix splendide dans Dinozord de Faustin Linyekula à Avignon en 2007, puis dans pitié! d’Alain Platel. Cette fois-ci, c’est la musique qui est au cœur d’un projet fusionnel réunissant Serge Kakudji, le guitariste Rodriguez Vangama et 13 musiciens de Kinshasa autour d’arias du répertoire baroque accompagnés de la plus belle façon à la guitare, aux percussions, balafons et likembés, ces pianos à pouce géants. De fait, la musique congolaise, toute de douceur et de rythmes toniques introduit chaque interprète du spectacle, musiciens et danseurs – au sens où tous jouent et dansent à la fois – et entoure, accompagne et sublime les arias chantés par Serge Kakudji, le plus naturellement du monde.
Avec une évidence et une jubilation dont Fabrizio Cassol relève qu’elle tient à leur polyphonie commune. Une troupe entièrement masculine, exubérante, sensuelle et drôle qui déferle sur le plateau en faisant voler au bout de leurs bras une armée de chaises de plastique bleue avant de prendre place et qui finira par disparaître dans les coulisses pour resurgir dans un défilé de « sapeurs » orchestré par Rodriguez Vangama, plastronnant dans son manteau de fourrure porté sur un costume épinglé de médailles militaires.Façon élégante et burlesque de rappeler que Kinshasa est, avec Brazzaville, la « patrie de la Sape, Société des ambianceurs et personnes élégantes ».
Un final raccord avec l’interprétation, un peu plus tôt, de To Be Young, Gifted and Black de Nina Simone par deux chanteurs qui n’hésitent pas à venir chercher dans le public deux spectatrices pour un tour de rumba congolaise. Coup fatal n’exprime et ne parle que de ça : la rencontre avec l’Autre. La standing ovation réservée lors des saluts pour sa dernière représentation au festival d’Avignon en est la plus éclatante démonstration.
Coup fatal, direction artistique Alain Platel, compte-rendu festival d’Avignon. Jusqu’au 5 décembre au Théâtre national de Chaillot à Paris,
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