Après Beaubourg à l’automne, la rétrospective Pierre Huyghe évolue sensiblement au Ludwig Museum de Cologne. Allons re-voir.
Je ne suis pas allé voir l’exposition de Pierre Huyghe au Ludwig Museum de Cologne. Je suis allé la revoir. C’était la première raison de mon déplacement : il s’agissait d’abord de retourner dans cet espace-temps miraculeux qu’avait été, à l’automne dernier, sa rétrospective au Centre Pompidou. Et du même coup de la regarder évoluer, de grandir avec elle, d’assister à la seconde vie de cet écosystème produit par l’artiste quelques mois auparavant. Et dont l’origine remonte en vérité à 2012, lors de la dernière documenta de Kassel.
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Huyghe avait alors infiltré un coin de parc abandonné, site informe où il avait donné quelques orientations esthétiques à la nature : des abeilles autour d’une sculpture d’art moderne, et cet étrange lévrier blanc à la patte tatouée de rose. Depuis, les choses ne cessent de bouger.
“Tout ce travail, je le vois comme un corps étranger, comme un calcul rénal qui s’invite et grandit.” Quelle adaptation au lieu ? A Beaubourg, Huyghe avait installé ses pièces dans les murs de l’expo précédente, comme un refus manifeste de scénographier le tout. Au Ludwig Museum tout en longueur, sur deux étages, il n’a pas rejoué ce principe : “Ça ne doit pas devenir un truc.”
Il a préféré découper des séquences de Beaubourg, montrer les œuvres telles qu’elles étaient présentées, reprendre la forme des murs et remonter le tout par morceaux, dans le désordre, comme un nouveau puzzle qui avance en lignes brisées.
“Je n’ai pas voulu entièrement domestiquer le lieu, mais casser sa dureté, son autorité. Là, j’ai découpé l’expo de Beaubourg, et au Lacma (le Los Angeles County Museum of Art où se jouera la prochaine et dernière étape – ndlr) je découperai Cologne. C’est un peu mon Merzbau”, ajoute-t-il en faisant allusion à l’installation construite par Kurt Schwitters dans les années 20.
Autant Huyghe a poussé très loin un certain art de l’exposition, autant il prend désormais ses distances avec cette question et tente d’en oublier l’idée même : “C’est une manière de ne pas décider. Je ne veux pas donner plus d’importance à cela.”
Quels changements de l’un à l’autre ? Certaines “situations” ne sont ici pas réitérées : exit le jeune homme à tête de faucon qui se promenait dans Beaubourg (“pas assez tenu”), exit le plafond en damier Atari Light auquel pouvaient jouer les spectateurs, exit la patineuse qui glissait sur la patinoire noire : “Ça faisait petit spectacle, j’ai détesté.”
Du coup, la surface est impraticable, couverte de monticules glacés, de blocs neigeux. Comme un paysage en ruines, à la Caspar David Friedrich. Le miracle est refroidi mais à cet endroit, dans ce punctum romantique de l’exposition, il a indéniablement lieu.
jusqu’au 13 juillet au Ludwig Museum, Cologne (Allemagne), museum-ludwig.de
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