Avec brio, Clément Hervieu-Léger réhabilite une œuvre délicieusement drôle et quasi inconnue de Marivaux, Le Petit-Maître corrigé, qui n’avait pas été jouée au Français depuis 1734.
Chaînon manquant dans la dramaturgie de Marivaux, Le Petit-Maître corrigé est pourtant entré sans problèmes au répertoire de la troupe de la Comédie-Française en 1734. Sauf que, pour cause d’une cabale qui vise d’abord son auteur, la pièce déclenche une indescriptible bronca au soir de la première. Résultat : elle est illico presto retirée de l’affiche après qu’un nouveau scandale a contaminé la représentation du lendemain.
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Voilà donc un texte rare que Clément Hervieu-Léger sort du placard après près de trois siècles de disgrâce. Un si long passage au purgatoire méritait que l’on se donnât les moyens de la jouer en pleine lumière et au grand air… Avec Eric Ruf, qui signe la scénographie, c’est dans la nature sauvage d’une lande plantée d’herbes folles que le metteur en scène inscrit son intrigue.
S’unir face au monde
Prenant prétexte de la signature d’un contrat de mariage entre deux perdreaux de l’année couvés par leur famille, Marivaux se lance avec Le Petit-Maître corrigé dans un débat sur les mœurs et les modes qui opposent les familles aristocratiques des villes à celles des campagnes. Son petit-maître vient de Paris. Rosimond (Loïc Corbery) est une caricature de cette jeunesse urbaine qui ne se soucie que de son apparence et se fait fort de ne jamais concéder à une femme de lui dire qu’on l’aime.
Pour être une fille simple, sa promise provinciale, la belle Hortense (Claire de La Rüe du Can), n’a rien d’une oie blanche. C’est elle qui, ne concevant de se marier sans aimer, va obliger l’indélicat à se déclarer. Découvrant qu’ils ont des sentiments l’un pour l’autre, nos deux tourtereaux vont vite tourner le dos à la bêtise de faire trop de cas de ce qui est censé les séparer pour s’unir face au monde sans autre forme de procès.
Une distribution éblouissante
La limpide modernité du texte est un ravissement qui se renouvelle à chaque réplique. Tout au plaisir de mettre en scène cette ode à une raison dont la jeunesse serait au final dépositaire, Clément Hervieu-Léger propose le théâtre virtuose d’une comédie où les rires du public font écho à l’ampleur de la charge critique voulue par Marivaux.
On se régale aussi de la manière si ludique avec laquelle il traite le couple des serviteurs, Marton (Adeline d’Hermy) et Frontin (Christophe Montenez), qui se doivent, comme c’est la tradition, de s’aimer également en suivant l’exemple donné par leurs maîtresse et maître.
Avec sa distribution éblouissante, Le Petit-Maître corrigé gagne aujourd’hui le droit de jouir d’un bel avenir sur la scène de la Comédie-Française. Grâce soit rendue à Clément Hervieu-Léger d’avoir remis la pièce sur le métier avec tant de justesse et de légèreté. Patrick Sourd
Le Petit-Maître corrigé de Marivaux, mise en scène Clément Hervieu-Léger, en alternance jusqu’au 24 avril à la Comédie-Française, salle Richelieu, Paris Ier
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