Dédiée à l’art sonore et placée sous la figure tutélaire de Luc Ferrari, l’exposition OOOL – Sound Fictions propose une immersion au sein de trois pièces inédites, étroitement liées entre elles et directement connectées à l’imaginaire des visiteurs/auditeurs.
Insaisissable autrement que par l’oreille, l’art sonore met les commissaires d’exposition au défi de matérialiser l’impalpable et de montrer l’invisible. Ce défi, la Kunsthalle de Mulhouse le relève fort joliment avec OOOL – Sound Fictions, exposition collective dans laquelle il n’y a (presque) rien à voir mais beaucoup à entendre et à imaginer – le titre, énigmatique à dessein, faisant partie intégrante du processus (on se gardera donc d’en révéler le sens caché).
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Déjà sollicité par ce titre intrigant, l’imaginaire du spectateur/auditeur est continûment stimulé par l’exposition elle-même au long d’un parcours déployé, entre points d’écoute et points de suspension, dans un espace à l’habillage élégamment minimaliste. Sont ici juxtaposées trois œuvres conçues pour la circonstance par Mathias Delplanque, Eddie Ladoire et Cédric Maridet, trois jeunes artistes français (tous trois nés entre 1973 et 1975) qui explorent en profondeur le domaine de la création sonore.
Trois singulières pièces sonores
Découpée en 4 parties, chacune diffusée en stéréo sur un point d’écoute spécifique, la pièce de Cédric Maridet (Hors-Champs) agrège de multiples sons (bruits ou paroles) puisés dans ses archives et génère de micro-récits fragmentaires, dans les interstices desquels l’oreille et l’esprit peuvent librement vagabonder.
https://vimeo.com/183801892
Composée de deux segments autonomes, diffusés simultanément en stéréo sur 4 hauts parleurs, et disposée dans une petite salle obscure, la pièce d’Eddie Ladoire (Circling) entremêle des sons extraits de la trame du réel – sons de rumeur urbaine glanés au fil de déambulations et sons issus de la production textile (dont Mulhouse est un fief historique) – pour tisser une toile frémissante, dont la densité n’a d’égale que la musicalité. Constituée d’éléments captés in situ – dans la salle d’exposition et dans le reste du (vaste) bâtiment, occupé principalement par la faculté – et située à la lisière du silence, la pièce de Mathias Delplanque (Double intérieur) agit à la façon d’un calque en léger décalage et suscite un trouble assez grisant, l’écart étant très ténu entre le réel et son double.
Entre ces trois pièces à la teneur particulière, dont les sons – et les silences – se croisent et se répondent, s’instaure un subtil jeu d’écho(s), amplifié par la mise en résonance/correspondance avec Music Promenade, emblématique pièce pour bandes magnétiques de Luc Ferrari, que l’on découvre ici sous sa forme d’installation avant d’entrer dans la salle d’exposition. Figure tutélaire de l’exposition, Luc Ferrari resurgit aussi en fin de parcours, à travers des citations inscrites sur les murs du petit couloir menant à l’espace de documentation. L’une de ces citations frappe instantanément : “Je faisais des films sonores, visibles seulement à l’intérieur de la tête ”. Ce que propose OOOL – Sound Fictions, c’est exactement cela : du cinéma sans images, visible seulement à l’intérieur de la tête.
Jérôme Provençal
OOOL – Sound Fictions, jusqu’au 13 novembre à la Kunsthalle de Mulhouse.
Divers événements ponctuent l’exposition, parmi lesquels un concert de Lionel Marchetti (20 octobre) et une lecture-performance de Christophe Fiat (6 novembre).
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