Avec « Ion », solo radical et dérangeant, Cindy Van Acker irradie les Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis.
Sans crier gare, le spectacle commence lorsque deux techniciens font glisser un meuble aux parois vitrées dans le hall du Kaai Studio, à Bruxelles. Une femme repliée sur elle-même, la main tremblée, le corps calligraphié, reste ainsi offerte aux regards de longues minutes. Quelques notes de musique – Chopin – s’égrènent.
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Les mots, on l’apprendra plus tard, sont extraits de Vaslav, écrit par Arthur Japin autour de la figure de Nijinski. Il y raconte la dernière apparition dansée du Russe. Cindy Van Acker place son solo radical et dérangeant sous une double protection, celle de Nijinski et de Nietzsche. L’intensité dégagée par ce prologue ne se démentira pas en salle. On verra la chorégraphe emballée dans une houppelande, le geste précis comme si elle gravitait dans un décor de tubes lumineux imaginé par Victor Roy.
La scène, comme un révélateur au sens photographique du terme
A la modernité de cette installation accompagnée d’une bande-son faite de bruits et de craquements, répond l’attitude de Cindy Van Acker, recroquevillée ou suspendue par les chevilles quelques instants plus tard. Dans cette série de tableaux en demi-teinte ou en pleine lumière, elle démultiplie l’espace même du théâtre. En grec, ion désigne l’“allant” – à l’image de cette vision incroyable, la danseuse, comme figée dans le mouvement d’un coureur quasi immobile. Il y a de la statuaire dans Ion – Cindy Van Acker cite Berlinde De Bruyckere et ses installations–sculptures comme référence. Pour cette collaboratrice attitrée de Romeo Castellucci qui, de pièce en pièce, construit une œuvre singulière à l’abri des modes, la scène est un révélateur dans le sens photographique du terme.
Au final, lorsqu’elle relève la capuche couvrant son visage, elle ne dévoile pas seulement des traits marqués par l’effort, mais bel et bien le questionnement de l’artiste surprise dans l’intimité de la création. Ion n’est en rien une chorégraphie aimable. Elle ne demande même pas à être aimée. Une minute d’inattention et le spectateur passe à autre chose. Cindy Van Acker est ainsi. Après des spectacles à la lenteur calculée, la chorégraphe belge installée en Suisse dévoile une autre approche gestuelle. Cindy Van Acker ose enfin se mettre en danger.
Ion conception Cindy Van Acker, les 30 et 31 mai au Théâtre de La Commune, Aubervilliers, dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis (jusqu’au 15 juin)
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