Avec “Cicatriciel”, Yann Dacosta rend palpables les récits des personnes intersexes.
Pour qui les personnes intersexes sont-elles, aujourd’hui, une réalité ? La variation génétique a beau concerner environ 1,7 % de la population française (soit à peu près autant que de personnes rousses, nous apprend le spectacle), elle reste ignorée par beaucoup, comprise par peu.
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Même pour Sarita Vincent Guillot, concerné·e de premier plan et éminent·e porte-parole de la communauté, le terme a mis 36 ans à s’imposer, mettant ainsi fin à de longues années de silence et d’incompréhension de soi. Cicatriciel, la pièce de Yann Dacosta, s’affaire donc d’abord à cela : corriger ce qui a tant manqué à Sarita Vincent Guillot, et, in fine, mettre à mal cette lacune généralisée.
Pour cela, Dacosta fait le choix d’une scénographie à la fantaisie dépouillée. Un seul en scène ? Pas tout à fait, puisque pour accompagner son interprète principal, le metteur en scène place dans la pénombre Petit Fantôme, avatar discret et muet qui rythme la pièce de son DJ set électro et de ses vocalises éthérées. Autour d’eux, pas grand-chose de plus qu’une forêt de plantes en pot dans le fond, un lit d’hôpital et une simple table au devant. Un décor sombre entre deux mondes que le protagoniste, sous les traits androgynes de Vincent Bellée, investit avec force.
Un bonheur purement queer
Cette sobriété d’espace est l’occasion pour Dacosta de se concentrer sur ce qui prime, à savoir un texte viscéral et organique. Car le propos de Cicatriciel se résume d’abord à cela : dire sans détour les mots crus, les mots vrais, ceux qu’on n’entend jamais ou trop peu, pour rendre compte de l’expérience intersexe de la manière la plus prégnante possible.
Et pas les mots de n’importe qui, puisque le spectacle porte à bras-le-corps le texte autobiographique de Sarita Vincent Guillot donc, écrit pendant la période du confinement. Iel y cartographie le corps intersexe à l’aube de ses traumatismes passés, entre stratagèmes médicaux abusifs et rejets de l’entourage.
En effet, si l’entreprise de Cicatriciel, souvent grave et remplie de fantômes, fait état d’un bilan douloureux, elle a l’intelligence de se refuser à la noirceur totale. À terme, c’est un échantillon de bonheur qui subsiste. Un bonheur purement queer, où l’on chérit ses cicatrices, ses entailles, sa marginalité, plutôt que de chasser désespérément à s’uniformiser.
Cicatriciel, d’après le texte de Sarita Vincent Guillot, adaptation et mise en scène Yann Dacosta. Au 11, Avignon, durant le festival Off, jusqu’au 21 juillet, à 17 h (relâche les lundis).
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