L’hémorragie culturelle se poursuit en province. Après les coupes budgétaires qui frappent toutes les institutions culturelles, centres et écoles d’art, et les menaces sur les Frac après le redécoupage des régions, un nouveau cas d’école, en Bretagne, met en lumière le poids des collectivités territoriales dans l’orientation des politiques culturelles.
L’hémorragie culturelle se poursuit en province. Après les coupes budgétaires qui sévissent dans toutes les institutions culturelles, centres d’art, écoles d’art, et la menace qui plane sur les Fracs après le redécoupage des régions, un nouveau cas d’école, en Bretagne, met en lumière le poids des collectivités territoriales dans l’orientation des politiques culturelles.
L’histoire de l’association Itinéraires Bis, l’Association de développement culturel et artistique des Côtes-d’Armor, croise celle du conseil départemental des Côtes-d’Armor. A gauche depuis 1976, le conseil départemental a basculé à droite aux dernières élections de 2015. Lundi 14 mars dernier, le conseil a entériné sa décision de se désengager d’Itinéraires Bis, en charge, entre autres et parallèlement à ses activités dans le champ du spectacle vivant ou de la musique, de la Galerie du Dourven, un espace dédié à la diffusion d’art contemporain dans le département. Cette décision signe l’arrêt des activités de l’association qui dépend, à plus de 80 %, des subventions de la collectivité départementale.
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Le site de la Galerie du Dourven est l’un des joyaux du département qui s’adresse à un public d’amateurs ou de promeneurs : “C’est une ancienne habitation, sur une pointe, le long d’un estuaire, au milieu de pins méditerranéens à travers lesquels ont peut voir la mer”, décrit l’artiste Martin Le Chevallier récemment exposé. Au rythme de trois ou quatre expositions par an (dont une en collaboration avec un Frac), des artistes y sont invités à réaliser un projet spécifique.
Un choix économique mais aussi politique
De quoi cette fin programmée est-elle le signe ? S’agit-il d’une simple relation de cause à effet, du changement de majorité à l’arrêt de la subvention? C’est une décision prise dans le cadre d’un plan économique important, explique Alain Cadec, le président du conseil. La précarité financière à laquelle le département fait face est réelle. Il s’est donné pour objectif d’économiser 16 millions d’euros en diminuant tous les budgets.
Un choix a priori économique donc, « mais également politique », réplique Philippe Sachet, directeur d’Itinéraires Bis qui se prépare au licenciement économique de 19 salariés. Si le conseil a décidé la non-reconduction de la subvention de 1,7 million d’euros à l’association, il attribue un budget de 7,3 millions à la culture, sur une enveloppe totale de 650 millions d’euros – des chiffres que nous donne Alain Cadec. On s’interroge alors : pourquoi ce désengagement auprès d’Itinéraires Bis ?
“Les activités de l’association ne sont qu’une petite partie des activités culturelles du département” répond Alain Cadec, avant d’ajouter qu’il s’engage à reprendre une partie des salariés. Itinéraires Bis est (était) pourtant responsable de la mise en œuvre et du suivi de projets sur l’ensemble du département, dans le domaine des arts de la scène, de la musique et de l’art contemporain. L’association met l’accent sur l’éducation et sur la médiation auprès des jeunes, les invitant à participer à la programmation, notamment à son festival Pas Sages (en cours jusqu’au 3 mai). Elle a soutenu des projets singuliers et pointus comme l’exposition, maintenant annulée, de Vincent Lamouroux et son spectacle Floé, réalisé avec Jean-Baptiste André, qui sera, par ailleurs, présenté par le Centre Pompidou-Metz.
Le président du conseil départemental parle d’“internaliser” les activités culturelles, qui seraient dès lors gérées “en régie directe” – un jargon censé être rassurant mais qui laisse au contraire la place à des inquiétudes légitimes. Comme celle de voir un glissement s’opérer entre les activités autonomes d’une association très ancrée sur le territoire et une politique de programmation menée au sein d’un EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale) dont on sait combien elle peut parfois être éloignée des enjeux de la création contemporaine.
Disparitions en séries
Quant au sort de la Galerie du Dourven, le conseil avait, dans un premier temps, envisagé sa mise en vente. Finalement, après la diffusion d’une pétition sur change.org, Alain Cadec nous assure que la Galerie restera un lieu pour l’art. Il faudra donc revenir dans un an pour voir ce que sera devenu l’art contemporain dans le département.
Le désengagement des collectivités territoriales envers des organismes culturels n’est pas nouveau, les Églises à Chelles, le CAC de Brétigny ou encore le Wharf d’Hérouville-Saint-Clair ont fermé ces dernières années faute de subvention. Le budget de la programmation artistique du Quartier, à Quimper avait par ailleurs subi des coupes de 60 %. Si l’on ne peut sans doute pas contester la rareté des finances publiques, on peut toutefois se demander quels seront les effets d’une intégration de l’action pour l’art contemporain dans l’administration territoriale. On cerne ce que l’on perd mais pas ce que l’on gagne.
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