Ouverture du festival Chalon dans la rue, sous la forme d’un jeu de piste forestier et nocturne avec « Macbeth », revu et corrigé par le théâtre de l’Unité.
La foi du charbonnier. C’est elle et elle seule qui tint lieu de balise, le 22 juillet lors de la générale de Macbeth par le théâtre de l’Unité, dans la forêt de Givry, à quelques kilomètres de Chalon-sur-Saône où démarre le festival Chalon dans la rue.
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Le grand Will lui-même a dû présider à cette ultime répétition d’une pièce écrite uniquement dans des lieux extérieurs où Ecossais et Norvégiens se livrent bataille, puisqu’à la pluie – totalement raccord avec le climat écossais – s’ajoutait une nuit sans lune qui plongea public et comédiens dans une marche à l’aveugle le long de sentiers bordés de champignons luminescents notoirement insuffisants pour éclairer les parcours menant d’une aire de jeu à la suivante. Restaient les ombres des ramures d’arbres, les odeurs de la nuit et le sol inégal où processionnait en silence la troupe des spectateurs, munis de leurs tabourets, guidés par l’actrice Hélène de Lafond, jouant à la fois l’accompagnatrice, la diseuse de phrases sibyllines introduisant chaque station et la commentatrice avisée des scènes ou des essais de mises en scène abandonnés au cours des répétitions, au motif, vérifiable ce soir-là, « qu’on ne voit rien, de toute façon ».
Si l’on était conceptuel, on dirait qu’à l’instar du Land Art, le théâtre de l’Unité affectionne le Land Théâtre – on se souvient d’ailleurs de leur truculent Oncle Vania de Tchekhov donné dans une ferme de Fontaine, lors du festival Chalon dans la rue 2006. Mais ce serait leur coller une étiquette qui ne leur sied guère, tant leur théâtre, justement, déjoue les codes en vigueur, du théâtre de rue comme du théâtre en salle, pour affirmer tout simplement leur volonté d’aller directement au cœur du théâtre : la réunion, mutuellement consentie, d’acteurs et de spectateurs autour d’une pièce, issue ou pas du répertoire.
Jacques Livchine, codirecteur du théâtre de l’Unité avec Hélène de Lafond, évoque à propos du projet Macbeth, un retour au théâtre primitif et rappelle que du temps de Shakespeare, ses pièces jouées au théâtre du Globe l’étaient à ciel ouvert. Quant à l’adaptation de la pièce (à partir du texte anglais et de plusieurs traductions, et non des moindres : Desprats, Markowicz, Sallé, Victor Hugo, Yves Bonnefoy et les adaptations d’Heiner Müler et d’Eugène Ionesco) qui boucle l’affaire en deux heures chrono, elle reprend elle aussi le fonctionnement du théâtre du Globe : « Certains racontent qu’en fait dans la compagnie de Shakespeare on répétait les pièces en 12 jours et on les jouaient en 1h30. Ce qui signifie bien que le texte écrit n’était sans doute pas le texte joué. Quand vous pénétrez dans la forêt touffue du texte, vous vous égarez vite, et certains passages sont quasiment injouables. »
Joué par onze comédiens, le Macbeth du théâtre de l’Unité se concentre en cinq scènes, réparties dans différents lieux de la forêt, uniquement éclairés par des feux, des projecteurs de voiture sur batterie et des leds. Et au fil du spectacle, la forêt s’avère être le cadre idéal des batailles sans fin, toutes sanglantes, et des trahisons à répétition de « cette pièce de folie, parce qu’il y a le goût du pouvoir, avec l’idée que tous les moyens sont bons pour le prendre et pour le garder, et que peu à peu le goût du sang rend fou ». Les acteurs ne jouent ni la grandiloquence ni le grotesque, mais mêlent l’humour au grossissement des traits de caractère de chaque protagoniste, vus à la loupe d’une lecture contemporaine de ses thèmes, « d’une modernité absolue, un véritable outil de décryptage de la vie politique actuelle ». Pour finir, le discours du roi est remplacé par divers discours empruntés à notre époque, donc celui d’Hugo Chavez pour une politique plus écologique et respectueuse de la terre…
Reste à savoir si Chalon dans la rue sera, lui aussi, soumis à la grève des intermittents. Une interminable AG le 22 juillet n’a pas, semble-t-il, réussi à mettre tout le monde d’accord et doit se poursuivre aujourd’hui… Jacques Livchine a décidé, de son côté, de mettre en place un « mur de la honte » où seront accrochés les photos de ceux qui n’ont pas tenu leur parole concernant la culture et les intermittents : François Hollande et François Rebsamen. « Pourront cracher dessus ceux qui le désirent », annonce unitairement le directeur du théâtre de l’Unité !
Fabienne Arvers
Macbeth, de William Shakespeare, mise en scène Théâtre de l’Unité, au festival Chalon dans la rue, du 23 au 27 juillet.
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