Dans une politique-fiction décapante aux accents de réel, le jeune binôme Poésy-Keiss invite à opérer une révolution par les urnes et à sortir d’un système proche de l’effondrement.
Panique au bureau de vote. Garants du bon déroulement du scrutin, les assesseurs n’en croient pas leurs yeux, qui scrutent le volume de l’urne transparente demeurant désespérément vide. La matinée s’est écoulée sans qu’un électeur ne donne signe de vie. Et la situation est la même dans tout le pays.
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C’est sous des lumières blafardes et sur le ton pince-sans-rire d’une farce que débute Ceux qui errent ne se trompent pas, la décapante pièce de politique-fiction écrite par Kevin Keiss, avec la collaboration de Maëlle Poésy, qui en signe la mise en scène.
Comme dans les contes, un miracle se produit. Les électeurs rappliquent en masse et tous se disent qu’on va atteindre un taux de participation record. Las, le cauchemar est loin d’être fini. Plus de 80 % des votants ont choisi le vote blanc.
Le naufrage de la classe politique
En s’inspirant d’une situation de départ empruntée à La Lucidité du romancier portugais José Saramago, Nobel de littérature 1988, Kevin Keiss et Maëlle Poésy s’interrogent sur ce qu’on pourrait attendre des membres d’un gouvernement ainsi élu. On passe ainsi sans transition dans les salons d’un ministère de crise pour assister au naufrage de cette classe politique qui prétend continuer de diriger en sachant qu’elle ne représente presque plus personne.
Chevauchant avec talent sur les errements de l’époque, cette fable qui prêche la révolution par les urnes à travers l’usage de l’arme du vote blanc s’avère n’être qu’une étape de la descente aux enfers proposée par Poésy et Keiss. L’ambition du spectacle étant d’aller au bout du cauchemar… Le conseil des ministres ressemble alors au huis clos fantastique imaginé par Buñuel dans son film L’Ange exterminateur.
Et comme il est question de rire sans limite de nos frayeurs en politique, le scénario catastrophe envisage dans la foulée le passage toujours délicat d’une démocratie représentative en dictature n’osant pas encore dire son nom. On se doute qu’au final on touche le fond. Mais l’on sort ragaillardi de ce mauvais rêve et on sait gré à Poésy et Keiss de réussir à nous réveiller en tirant sur le signal d’alarme avec tant d’humour et d’intelligence.
Ceux qui errent ne se trompent pas de Kevin Keiss, d’après La Lucidité de José Saramago, mise en scène Maëlle Poésy, du 6 au 10 juillet à 15 h, Théâtre Benoît-XII, Avignon
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