Chaque année durant la FIAC, le Prix Fondation d’Entreprise Ricard récompense un jeune artiste actif sur la scène hexagonale. Lauréate de la 19e édition, Caroline Mesquita met la monumentalité brute du métal sculpté au service de la déconstruction des binarismes identitaires.
Intense, la semaine de la Fiac marque aussi le moment des prix, venant consacrer le travail des artistes les plus prometteurs de la scène hexagonale. Après le prix Meurice, décerné au jeune diplômé des Beaux-Arts de Lyon Morgan Courtois, et le prix Duchamp remis lundi au duo libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, le prix fondation d’entreprise Ricard a été décerné vendredi à Caroline Mesquita.
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Valoriser les artistes représentatifs de la jeune scène française
Le prix Ricard, c’est d’abord une exposition à la Fondation du même nom à Paris, confiée à un commissaire d’exposition indépendant à qui est laissé le choix de sélectionner les artistes représentatifs de la jeune scène française. Pour la 19e édition cette année, l’oeuvre de Caroline Mesquita était présentée au sein de l’exposition Les Bons Sentiments de la commissaire d’exposition belge Anne-Claire Schmitz, directrice du centre d’art La Loge à Bruxelles, aux côtés de cinq autres artistes et duos d’artistes (lire notre review de l’exposition ici). Mais comme Lili-Reynaud Dewar avant elle, lauréate du prix en 2013, dont elle fut par ailleurs un temps l’assistante, Caroline Mesquita avait déjà été nominée et exposée dans le cadre du prix. C’était en 2013, lors de l’exposition La Vie Matérielle confiée cette fois aux bons soins du curateur Yann Chateigné. Et plus tôt cette année, la jeune artiste, née en 1989 à Brest, occupait l’intégralité des espaces de la Fondation, qui lui ouvrait ses cimaises et accueillait au printemps sa proposition The Ballad.
Comment alors expliquer l’engouement pour l’art étrangement à contre-courant de la jeune artiste ? A contre-courant, car ses bolides bricolés en métal sculpté, cuivre ou laiton, mouchetés de soudures apparentes et qui exsudent le labeur physique et le corps à corps avec la matière ne référencent aucun mouvement ou style en vigueur. Alors que ses premières années, aux Beau-Arts de Rennes puis aux Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Michel François, la voient s’orienter vers une voie conceptuelle et abstraite centrée sur l’expérience de l’espace, la suite de son travail évolue sensiblement. Toujours en prise directe avec la matière, fidèle à son amour du métal comme matière première, l’artiste s’oriente vers de grandes sculptures maximalistes représentant avions, motos (c’est le cas pour l’oeuvre présentée dans le cadre des Bons Sentiments, qui rejoindra les collections du Centre Pompidou), et personnages comme esquissés d’un trait dans l’espace. Oxydées, tordues et patinées, les surfaces portent l’empreinte du processus laborieux et douloureux, point de départ d’une narration sur les rapports humains et l’artiste engagé dans un corps à corps primaire avec la matière.
Avec ses motos d’allure steampunk (exposées à la Fondation Ricard jusqu’au 10 novembre), et peut-être plus encore lors de The Ballad, où elle présentait une carlingue d’avion crashé habité de ses survivants, douze personnages à taille humaine, Caroline Mesquita exhibe également une certaine relecture du mythe du sculpteur – forcément mâle et blanc dans l’imaginaire collectif. Cette exposition, nous racontait-elle en février, elle l’a produite seule ou presque, dans un grand hangar de sa Bretagne natale. Là, elle a fabriqué l’engin, puis s’est laissée habiter par les prémices de possibles fictions, se déguisant en pilote, homme d’affaires, hôtesse de l’air… afin de former ses pantins de laiton et de réaliser une vidéo, qu’elle présentait également lors de son exposition solo. A contre-courant de l’esthétique léchée affectionnée par les héritiers du post-internet certes, mais en plein dans le mile de la déconstruction des carcans identitaires, Caroline Mesquita invente un vocabulaire, le sien, unique, brut et singulier, partant de l’échelon du sujet pour tirailler la matière vers des ambitions universelles.
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